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auraient tiré sur leurs troupes. Quand on a soi-même, volontairement et de sang-froid, violé le droit des gens en déchirant un traité sur lequel figurait la signature d’un roi de Prusse, traité que l’on nomme dédaigneusement un « chiffon de papier, » on est vraiment bien fondé à accuser les victimes de se défendre en enfreignant les lois de la guerre !… Le fait ne semble pas prouvé, au contraire ; mais, le fût-il, les Belges auraient eu raison. Ils avaient, moralement et légalement, le droit de se défendre, depuis le premier jusqu’au dernier, puisqu’ils avaient vainement compté pour les protéger sur leur neutralité reconnue, sur un engagement formel qui avait été violé. S’ils n’avaient pas eu cette garantie, ils auraient possédé une armée, bien organisée, de plusieurs centaines de mille hommes. Loin de là, trop confians dans la signature des Puissances, ils étaient mal préparés. Ils se trouvaient donc en cas de légitime défense et pouvaient, sans aucun scrupule, résister tous ensemble, soldats, civils, femmes même. Quand on se bat en duel, il est des règles établies que l’honneur commande de suivre. Lorsqu’un honnête homme est traîtreusement attaqué par un bandit, c’est le cas de dire « qu’il fait comme il peut, » alors vraiment : Not Kennt Kein Gebot, il n’y a pas de règle qui tienne, tous les moyens de défense sont bons… Quoi qu’il en soit et quoi qu’il advienne, tant que le monde existera, la gloire de l’immortelle et vaillante Belgique, de son roi-héros, et de son grand cardinal, demeurera gravée en traits épiques dans le livre d’or de l’humanité.

Et vous, Français, vous avez osé gagner la bataille de la Marne, faire reculer l’envahisseur !… Quelle impudence !… Aussi, sur le chemin du retour, on pille, on massacre, et, sans aucune nécessité stratégique, on mutile et détruit les maisons, les ambulances, les hôpitaux et les églises.

En Suisse romande, par la façon perfide dont la guerre fut amenée, le sentiment général était a priori favorable à la France. Puis, la violation de la neutralité belge, les cruautés et les méfaits envers Belges et Français, les actes de vandalisme de Malines et de Louvain y provoquèrent une véritable vague d’indignation. Celle-ci fut portée à son comble et se mua en stupeur lorsque nous apprîmes le bombardement systématique et l’incendie de votre célèbre cathédrale de Reims, témoin superbe et vénérable du passé et de tant d’événemens magnifiques de