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UN TÉMOIGNAGE ALSACIEN
SUR
L’ALSACE-LORRAINE


« Les bonnes volontés, même enthousiastes et sincères, ne sont pas la volonté, la volonté grave, tenace, constante, qui ne perd jamais de vue, parmi les incidens multiples des existences particulières, le but commun à atteindre. Hélas ! il y aurait fallu plus d’union, plus de confiance en soi, un désir plus jalousement préoccupé de son objet. L’union ? elle nous a toujours manqué. Quant à la confiance en soi, la guerre l’avait ébranlée, la vanité qu’on nous reprochait s’était dissipée, repentante et contrite ; à force de vouloir être justes pour les autres, nous devenions injustes pour nous-mêmes, et la confiance nécessaire ne nous revint que par à-coups, aux heures d’alarme, en 1875, en 1887, en 1905-1908 ; avant et après les crises, elle fut trop souvent verbale et d’attitude, non point intime, profonde, qui veille sur la conscience, qui inspire et dirige l’action : un rappel sonore de « l’immanente justice, » à la fin d’un discours de comice agricole ou de distribution de prix, et l’on se croyait quitte envers le passé. Enfin… cette pauvre éloquence même balbutierait, aujourd’hui : d’autres sujets sont plus à la mode, et celui-là devient aisément suspect. Nous avons trop éparpillé notre générosité. Il y a, si je puis dire, des idées qui n’ont pas de chance… »

C’est en 1909 que M. Georges Delahache écrivait ces lignes