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pour lequel nous combattons, le temps viendra où les conditions de la paix seront présentées par nos alliés et par nous-mêmes ; mais une condition essentielle devra être le rétablissement de l’existence et de l’indépendance de la Belgique, de la libre possession de son territoire et de la réparation, autant qu’il sera possible, de tous les maux cruels qu’elle a dû souffrir. Cela fait partie du grand but que nous voulons atteindre. Ce grand but consiste, pour les nations de l’Europe, à être libres de vivre leur propre vie indépendante en travaillant elles-mêmes à fixer leur forme de gouvernement et à assurer en toute liberté leur développement national, et cela que ce soient de grands ou de petits États. Voilà notre idéal. Nous avons été inondés de l’idéal de l’Allemagne par ses professeurs et ses publicistes depuis le commencement de la guerre. Cet idéal consiste à croire que les Allemands sont un peuple supérieur auquel tout est possible et contre lequel toute résistance doit être sauvagement écrasée. L’Allemagne croit être libre d’établir sa domination sur toutes les nations du continent. Mais moi, j’aimerais mieux mourir ou abandonner ce continent que de vivre dans de telles conditions ! »

Deux petites nations, petites par leur étendue géographique, mais grandes par le courage, ont montré qu’elles aussi aimaient mieux périr que de vivre dans l’humiliation d’une dépendance imposée par la force : ce sont la Belgique et la Serbie. La France, dont la politique à travers l’histoire a consisté à grouper et à défendre les petites nations, peut être fière aujourd’hui de ses clientes. Qui aurait dit que la Belgique aurait arrêté pendant plusieurs semaines l’invasion allemande ? Qui aurait cru que la Serbie arrêterait pendant huit mois l’invasion autrichienne ? Et elle continuera jusqu’au bout. La journée du 25 mars a été consacrée, dans nos écoles, à célébrer l’héroïsme serbe : à nos enfans, qui entendent aujourd’hui de partout les bruits de la guerre et sont élevés au milieu d’une épreuve à laquelle aucune famille n’échappe, pouvait-on donner une plus grande et plus noble leçon ?


Nous ne dirons qu’un mot, en finissant, de la double visite que, pendant deux nuits de Mars, des zeppelins ont faite à Paris. La première nuit, il y a eu quelques dégâts matériels à peu près insignifians : personne n’a été tué, ni blessé gravement ; une femme est morte d’émotion. La seconde nuit, il n’y a eu rien du tout. Les zeppelins voyant qu’ils étaient attendus, ont rebroussé chemin. La femme qui est morte d’émotion devait être déjà malade d’autre chose : en tout cas,