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concessions de désespoir pour obtenir d’elle le maintien de sa neutralité, ils montrent par-là le besoin qu’ils ont de ce maintien. La propagande de mensonges qu’ils s’acharnent à faire dans le monde entier, mais surtout en Amérique, pour rejeter sur les Alliés la responsabilité de la guerre et en disculper leurs propres gouvernemens, est une preuve nouvelle des difficultés, des embarras de leur situation. Ils n’éprouvaient pas les mêmes scrupules lorsque, au commencement de la guerre, ils se croyaient sûrs d’une victoire rapide et écrasante. Les traités n’étaient alors que des chiffons de papier, et la violation de la Belgique un acte que la nécessité justifiait. On fait comme on peut, disait M. de Bethmann-Hollweg. Aujourd’hui, ils affirment que la Belgique avait elle-même violé sa neutralité par une alliance secrète qu’elle aurait contractée avec l’Angleterre, et que la France était toute prête à la violer aussi, lorsque l’Allemagne, qui le savait, s’est jugée en droit de la devancer. Cette dernière découverte est due au général de Bernhardi, qui l’a révélée à l’Amérique par l’intermédiaire d’un journal. Elle ne méritait qu’un haussement d’épaules, mais le gouvernement de la République a cru devoir, dans une note officielle, en établir la fausseté. Il n’est pas entré en discussion avec le général de Bernhardi. D’après celui-ci, notre mobilisation aurait été faite sur la frontière belge, ce qui établissait avec évidence notre intention de la franchir. La note de notre gouvernement dit jour par jour, heure par heure, ce qui s’est passé. Elle montre que notre concentration avait été préparée et commencée sur la frontière allemande et que nous avons dû la changer à la hâte, y apporter une variante improvisée, au moment où, son territoire ayant été violé, la Belgique nous a enfin appelés à son secours. Hélas ! nous sommes arrivés trop tard, et la preuve que nous n’avions rien préparé pour nous défendre sur la frontière belge est le déplorable échec que nous y avons éprouvé. C’est par-là que la campagne a commencé : nous ne nous sommes relevés que sur la Marne. Que reste-t-il donc de l’assertion du général de Bernhardi ? Un nouveau mensonge.

La vérité tout entière au sujet de la violation de la neutralité belge, aussi bien d’ailleurs que des responsabilités de la guerre, a été énoncée une fois de plus par sir Edward Grey, dans un discours qu’il a prononcé il y a quelques jours à Londres. Sir Edward Grey dit les choses simplement, fortement, avec un accent de loyauté et une émotion intérieure qui imposent la confiance et le respect. Nous voudrions pouvoir reproduire tout son discours : voici du moins la fin du passage qui concerne la Belgique : « Quant au résultat