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Anglo-Français, peuvent se porter aussi bien, grâce à leur puissante flotte et à ses transports, du côté de Scutari que du côté de Stamboul. Sans entrer à ce sujet dans des considérations inopportunes, on peut bien dire que l’examen attentif de la situation militaire, aussi bien que de la situation politique, justifierait parfaitement une descente dans le profond golfe d’Ismidt qui borde au Sud le Kodja, ou presqu’île de Nicomédie, dont la valeur stratégique est au moins égale, pour les Turcs, à celle de la presqu’île de Tchataldja, dans la crise décisive que leur imprudence a provoquée.

Savent-ils d’ailleurs où descendront les Russes ? Sera-ce du côté Asie ou du côté Europe, à Midia (et à l’abri du Karabouroun, à la plage d’Iniada) ou à Indjirli, à l’embouchure du Sakaria, le fleuve bithynien ?

Savent-ils enfin si les Bulgares ne se décideront pas à entrer en campagne, et si, masquant Andrinople, ces rudes adversaires ne viendront pas rapidement assaillir l’aile gauche des lignes de Tchataldja, vers Buyuk Tchekmedjé, avec l’aide puissante des cuirassés anglo-français ?

Ceci me conduirait à rechercher quelles forces les alliés comptent mettre à terre pour venir à bout d’une résistance qui ne sera probablement pas réduite par le forcement et la prise de possession des Dardanelles, puisque aussi bien nous hésiterions sans doute à brûler Constantinople avec les obus de nos vaisseaux et que les Jeunes-Turcs le savent bien. Mais cette question est trop délicate, en ce moment, pour que je puisse faire autre chose que l’effleurer. Il est d’ailleurs évident que l’entrée en ligne d’élémens nouveaux pourrait limiter l’étendue du sacrifice que l’on est disposé, sur le front français, à faire en faveur de la grande diversion orientale. Une autre et fort importante atténuation résulterait de la résolution de s’en tenir à l’occupation des Dardanelles et de n’agir contre le gouvernement turc, devant Constantinople, que par les moyens d’intimidation dont dispose une grande flotte. Ce que j’en disais phis haut n’est, bien entendu, que l’expression d’une opinion individuelle. Simple observateur des faits, j’ignore, je m’attache même à ignorer des plans dont le secret, s’il faut tout dire, me paraît dépendre beaucoup plus de la retenue des langues que de la discrétion des plumes.

Tant y a qu’au sujet des effectifs, les appréciations peuvent