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Marie-Thérèse connût son dessein et à ajouter cette riche province a son royaume.

Pour voir son nom dans les gazettes, il le confesse : « L’ambition, l’intérêt, le désir de faire parler de moi l’emportèrent, et je décidai la guerre. » Il la décida, de sa volonté délibérée, évoquant tout à coup d’anciennes prétentions, séculairement périmées, de la maison de Brandebourg sur la Silésie, « en violation de la foi jurée » tout récemment, en dépit de l’engagement pris par lui-même de garantir l’intégrité des États autrichiens. Mais une foi, un engagement, une garantie ?

« Il disait que toutes les garanties diplomatiques n’étaient que des réseaux de filigrane jolis à regarder, mais trop fragiles pour résister à la plus légère pression… »

Et il appuyait fortement de tous ses doigts. Le filigrane des traités craquait : son poing passait au travers, lourd et rapide. « Une fois la guerre résolue, il agit avec habileté et avec vigueur. Il lui était absolument impossible de cacher ses préparatifs : sur tout le territoire prussien, on voyait circuler des régimens, des armes et des bagages. L’envoyé d’Autriche à Berlin instruisit sa cour de ces faits, et exprima ses inquiétudes sur les desseins de Frédéric ; mais les ministres de Marie-Thérèse se refusaient à croire à un si noir attentat de la part d’un jeune prince qui s’était fait surtout connaître par ses grandes protestations de loyauté et de philanthropie : « Nous ne voulons pas, écrivaient-ils, nous ne pouvons pas le croire. » Pas de déclaration de guerre ; pas de demande de réparation ; Frédéric II prodigue encore les complimens, les assurances de bon vouloir, il fait encore ses révérences que déjà ses troupes sont entrées en Silésie. De nouveau, « dans l’automne de 1744, sans avertissement, sans prétexte décent, il recommença les hostilités, traversa l’Electorat de Saxe sans prendre la peine d’en demander la permission à l’Electeur, envahit la Bohème, prit Prague, et alla même jusqu’à Vienne. » — « L’année suivante (1745), après Hohenfriedberg et Sorr, comme il n’avait plus à craindre que Marie-Thérèse pût faire la loi en Europe, il commença à former le projet de manquer pour la quatrième fois à sa parole. » De plus en plus « le public s’habituait à regarder le roi de Prusse comme un politique dénué à la fois de moralité et de décence, insatiable dans sa rapacité, éhonté dans sa perfidie ;… comme un contrebandier malfaisant et sans