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lui avaient fait perdre une de ses plus riches provinces et la suprématie dans la péninsule. Plus tard, la paix de Prague, si elle ne lui coûtait pas d’autre sacrifice territorial que celui de Venise auquel elle était depuis longtemps résignée, l’excluait de la sphère où elle avait concentré son plus grand effort et conquis son prestige. Le nouveau centre de gravité qu’elle devait se donner, elle ne paraissait plus pouvoir le trouver que dans la coopération harmonique des nationalités qu’elle avait soumises, en les opposant les unes aux autres, au centralisme et au germanisme. Elle avait à gagner et à utiliser ces forces morales qui, comme le sang dans les artères, propulsent le mouvement de l’organisme social et gouvernemental. Si elle n’adopta pas la solution radicale et héroïque du problème, le fédéralisme, elle en posa en termes généraux les données : concilier l’unité de l’Empire avec la satisfaction des aspirations légitimes des nationalités qui le composent. Entre le fédéralisme qui l’effrayait et le dualisme qui, ayant prouvé sa force, était apparu dès lors comme un recours possible, elle fit vite son choix. L’idée d’un compromis avec la Hongrie n’était pas, en effet, nouvelle ; elle avait été envisagée avant Sadova et l’élaboration en avait suivi immédiatement la chute de Schmerling (1865). Sur les conditions de ce compromis, la Hongrie, sous la direction du chef de la majorité parlementaire, Franç. Deak, prenait une position très nette. Les discussions de la sous-commission nommée pour discuter le projet auraient dissipé au besoin toute équivoque. Andrassy y déclarait que le dualisme ne pouvait signifier qu’une chose, l’union des libéraux allemands et magyars pour le gouvernement de la monarchie. La guerre entre l’Autriche et la Prusse qui amena une prorogation de la Diète (26 juin) rendait le compromis nécessaire et urgent, et ce fut sous la pression des événemens qu’il fut conclu. En l’annonçant au pays, François-Joseph exprimait l’espoir que le parlement hongrois tiendrait compte des légitimes revendications des pays de la couronne de Saint-Etienne. En sanctionnant l’union, qui était la conséquence du retour aux lois de 1848, il avait laissé entendre qu’elle appelait une révision de nature à satisfaire les Roumains. Mais ces bonnes intentions ne furent pas réalisées. Andrassy représenta à l’Empereur que, dans un temps d’engouement pour le principe des nationalités, après la constitution de la Moldo-Valachie, il y aurait péril pour l’œuvre commune à