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au contraire, que se réjouir des atteintes portées à un régime qui ne lui faisait aucune place. Elles devaient être d’autant mieux accueillies par elles qu’elles sembleraient liées à l’amélioration de sa condition sociale. Cette condition, c’était le servage. Elle la supportait avec une résignation qui n’excluait pourtant pas les protestations ni les révoltes et, d’autre part, la conscience de sa nationalité ne semble s’être éveillée chez elle qu’assez tardivement. On ne se trompera pas en pensant que les mesures humanitaires et centralistes de Marie-Thérèse et surtout de son fils Joseph Ier, qui les systématisa au point de leur donner son nom, contribuèrent à faire renaître chez les Roumains le regret de l’autonomie et le désir de la recouvrer. On s’intéressait à leur condition privée, ils se rappelèrent qu’ils pouvaient avoir une vie nationale, qu’ils étaient un peuple. Marie-Thérèse fit rédiger un code rural (urbarium), qui réglementa et adoucit le régime féodal. Les paysans cessèrent d’être attachés à la glèbe, ils purent élever leurs enfans à leur guise, leurs redevances furent fixées à un taux proportionnel, leurs procès soumis à la juridiction des comitats. La résistance du magyarisme à l’application de ces réformes exaspéra la plèbe roumaine, l’amena à un sentiment plus vif, plus amer de sa déchéance sociale et en même temps nationale. Dans la jacquerie qui éclata en 1184 et eut pour chef un paysan, Horia, le sentiment nationaliste se mêla forcément, à cause de la confusion entre le seigneur et l’étranger, à la passion anti-féodale. En même temps que les préoccupations humanitaires des souverains relevaient les Valaques à leurs propres yeux et réveillaient chez eux, par voie de conséquence, l’amour de leur passé et de leurs origines, Joseph II, en détruisant la forteresse légale de leurs oppresseurs, en détruisant les comitats, en faisant passer tous leurs pouvoirs à l’alispan, devenu un fonctionnaire gouvernemental, en divisant le pays en cercles, dont chacun était administré par un capitaine de cercle (Kreishauptman), en confiant l’administration des finances à un fonctionnaire, n’irritait pas seulement la nation dominante, il diminuait son prestige aux yeux de la population sujette et l’encourageait indirectement à conquérir, après son émancipation civile, son indépendance politique.

L’union d’une partie des orthodoxes roumains au rite catholique favorisa beaucoup aussi le nationalisme. Les