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et aisé, mesuré, régulier dans sa conduite et dans la tenue de sa maison, charitable et d’une piété aussi discrète que sincère. Ce serait un portrait sans ombre si le peintre n’y avait ajouté une touche équivoque, qui ne met rien de moins en jeu que le personnage historique : « après l’avoir vu de près, nous dit le grand mémorialiste, on demeurait dans l’étonnement qu’il eût été le chef d’un grand parti et qu’il eût fait tant de bruit dans le monde. » Qu’est-ce à dire ?… Comprenons seulement que le rôle de Rakoczy avait tellement frappé l’imagination de ses contemporains qu’on était surpris de ne trouver dans sa personne rien d’avantageux ni de théâtral.


Le traité de Szathmar (1711), en unissant la Hongrie à l’Autriche, n’avait pas confondu les destinées de la Transylvanie avec les siennes. La politique traditionnelle de la cour impériale trouvait plus d’avantage à les séparer qu’à les unir. La Transylvanie que Léopold Ier s’était fait céder par son dernier woïvode Apaffy II, garda la constitution particulière que cet empereur lui avait donnée en 1690. Elle releva directement du gouvernement de Vienne où elle eut sa chancellerie propre et dont l’autorité s’exerça par un conseil de gouvernement (gubernium) siégeant à Clausenbourg. Quand le successeur de Léopold Ier, Charles VI, voulut assurer sa succession à sa fille, la future Marie-Thérèse, la Transylvanie fut un des États d’Empire dont il dut obtenir l’acceptation. Le diplôme organique de Léopold respecta une organisation dont on fait remonter l’origine à saint Etienne. Elle avait pour base le comitat, qui était à la fois une circonscription territoriale et la congrégation des propriétaires nobles de cette circonscription. Ces congrégations concentraient presque entièrement les affaires locales. Par leurs ablégnts, qui jouissaient exclusivement du droit de vote dans les séances où se proposent les lois, elles étaient maîtresses dans les diètes.

Les desseins du gouvernement aulique contre cette institution fondamentale ne pouvaient trouver d’opposition que chez les bénéficiaires de la vieille constitution nationale, dans ce qu’on appelait le peuple de Verboczy, du nom du légiste qui avait codifié dans son jus tripartitum le droit public d’une société fondée sur les privilèges des magnats, de la petite noblesse et des villes libres. La population roumaine ne pouvait,