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qu’il adressait au mois d’avril 1914, à ses électeurs, résumait les opinions pour lesquelles il avait lutté. « J’ai toujours défendu et je défendrai, disait-il, contre toute atteinte, avouée ou hypocrite, contre toute restriction sectaire, la liberté sous toutes ses formes : liberté de conscience, liberté d’enseignement, liberté d’association, liberté d’opinion, liberté du travail. »

Le dernier écrit sorti de sa plume est une œuvre politique, au meilleur sens du mot. C’est une étude sur Les impôts et les revenus en France, en Angleterre et en Allemagne, qu’il publia en 1914. Frappé des erreurs qui se répètent couramment lorsqu’on nous cite en exemple le régime fiscal d’autres pays, il voulut montrer, à travers les mots, la réalité des choses, et prouver que, chez nous, avant l’institution de l’impôt sur le revenu, celui-ci existait déjà, dans une proportion souvent supérieure à celle qu’il atteint à l’étranger. Il donne les chiffres auxquels sont évalués les revenus des Français, 27 milliards ; des Anglais, 53 milliards ; des Allemands, 43 milliards de francs. La proportion prélevée par le fisc était, avant la guerre, de 11 pour 100 en Angleterre, 12 pour 100 en Allemagne, 17 pour 100 en France. Les petits et moyens revenus constituent chez nous une part plus forte de l’ensemble que chez les deux nations prises comme termes de comparaison : ceux qui soit supérieurs à 100 000 francs ne représentent que 3 pour 100 du total, au lieu de 6 en Allemagne et de 7 en Grande-Bretagne. Les taxes sur les consommations utiles, droits de douane protecteurs mis à part, ne constituent pas une portion plus forte des impôts en France qu’en Angleterre, et bien moindre qu’en Allemagne.

C’est ainsi que celui, que des électeurs peu reconnaissais et peu clairvoyans n’avaient pas maintenu à la Chambre, s’efforçait encore de se rendre utile en ouvrant les yeux de ses anciens collègues sur les dangers d’une législation mal appropriée à notre organisation sociale, et incapable, par suite, de donner les résultats que certains réformateurs prétendaient en retirer. Combien ses avis eussent été précieux au lendemain de la guerre ! A coup sûr, lors des élections prochaines, il eût reconquis de haute lutte son siège de député. A la lueur tragique de la conflagration actuelle, la nation aura appris à connaître, pour les avoir vus à l’œuvre, ses bons serviteurs, et