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à périr. La Belgique, la première, a fait l’expérience de ce furor teutonicus vanté par le général de Moltke ; la Belgique qui, ayant héroïquement défendu l’inviolabilité de son territoire, s’attendait à être traitée en vaincue, mais non à être livrée comme une proie aux bêtes fauves disciplinées de l’armée d’invasion. C’était là un des procédés sur lesquels comptait le général pour remporter la prompte victoire dont il parlait avec la foi d’un croyant. Il s’est trouvé au contraire que ces moyens atroces, au lieu de forcer les Belges à s’avouer vaincus, n’ont fait qu’exaspérer la fureur de leur résistance.

L’état-major allemand ne tenait-il pas en réserve d’autres procédés secrets, d’autres révélations effrayantes ? Parmi les armes cachées qu’il a employées avec le plus de succès figurait son vaste système d’espionnage, installé chez les voisins de l’Allemagne, chez tous ses ennemis présumés et partout où il pouvait lui être utile. La prévoyance et la perfection introduites dans ce système ont failli faire perdre leur sang-froid aux Anglais eux-mêmes, lorsqu’ils eurent constaté les services rendus par les espions allemands, non seulement sur les côtes de l’Angleterre, mais encore au fond du Pacifique, sur les rives lointaines du Chili.


IV

Mais les avantages qui, d’après nos adversaires, devaient assurer leur triomphe, étaient la supériorité de leur stratégie et de leur tactique et la minutieuse préparation de leur armée, sans comparaison possible avec celle des armées rivales.

« On s’imagine à l’étranger, disait en 1910 le général de Moltke au général Jungbluth, chef de la maison militaire du roi des Belges, qu’on prépare sans cesse dans notre état-major des plans de campagne, en prévision de toutes les éventualités d’une guerre européenne. C’est une erreur. Nous nous occupons de la question des transports, de la concentration et de l’approvisionnement de nos troupes et de l’utilisation des nouvelles voies de communication. Vous seriez étonné de voir les bureaux de notre état-major. Ils ressemblent à une administration de chemins de fer. » Que conclure de ces paroles, sinon que le plan de campagne de 1914, le plan d’invasion et d’attaque