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l’Angleterre par ce blocus d’un nouveau genre qu’aucun traité de droit des gens n’avait prévu et qui était contraire à tous les principes qu’ils énoncent. Le langage de l’Allemagne avait quelque chose de farouche ; il dénotait une volonté irréductible, un parti pris implacable. L’Allemagne déclinait toute responsabilité dans ce qui pourrait arriver. Elle avait fait connaître la loi nouvelle : c’était aux autres à l’observer. Naturellement, tous les neutres ont protesté et les États-Unis se sont distingués dans ce concert par la netteté et la vigueur qu’ils y ont mises. Comment ne pas leur donner raison ? L’Allemagne n’avait nullement les moyens de bloquer toutes les côtes de l’Angleterre avec une trentaine de sous-marins et, quand bien même elle en aurait eu davantage, elle n’avait pas le droit de détruire les navires neutres avec leur cargaison et de condamner à mort équipages et passagers. Des énormités de ce genre devaient soulever la réprobation universelle. Mais on n’avait pas prévu, on ne pouvait pas prévoir qu’une menace aussi retentissante serait suivie d’un aussi médiocre effet. Que s’est-il donc passé ? Que sont devenus les sous-marins allemands ? Nous savons bien que quelques-uns ont péri, et même en assez grand nombre ; mais les autres ? Certaines gens commencent à croire qu’il leur est arrivé des malheurs obscurs dont on n’a point parlé. Quoi qu’il en soit, la date du 28 janvier ne partagera pas l’histoire de la guerre maritime en deux périodes bien tranchées, une avant, l’autre après, et ce sera pour l’Allemagne une déception de plus.

Les Puissances neutres avaient protesté par des notes, mais les Puissances belligérantes devaient opérer autrement : elles ne pouvaient pas envoyer des notes au gouvernement allemand avec lequel, elles n’ont plus aucune relation diplomatique. Au surplus, à des coups, en temps de guerre, on ne peut répondre que par des coups. La France et l’Angleterre devaient user de mesures de rétorsion. Puisqu’on avait voulu les affamer, elles ont résolu de rendre la pareille à l’Allemagne avec des moyens autrement puissans que ceux dont celle-ci dispose. En conséquence, elles ont annoncé l’intention « d’arrêter et de conduire dans leurs ports les navires transportant des marchandises présumées de provenance, de destination ou de propriété ennemies. » Ce sont là sans doute des mesures sévères, et nous reconnaissons qu’elles sont en partie nouvelles, mais ne sont-elles pas justifiées par toutes les nouveautés que l’Allemagne a introduites la première dans le droit des gens ? En tout cas, les mesures prises par l’Angleterre et par la France ne feront courir aucun risque à la vie des équipages. Les Alliés ne détruiront même