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Salisbury et son remplacement par celui de Gladstone. Ce changement de ministère ne pouvait manquer d’entraîner, suivant eux, la disgrâce de tous les fonctionnaires anglais nommés et soutenus par l’ancien Cabinet. Et aussi le premier soin de lord Cromer, en recevant la plainte du Sirdar, avait-il été de s’assurer l’approbation expresse de son nouveau chef, lord Rosebery : après quoi il avait signifié au Khédive son intention de rappeler jusqu’au dernier des officiers anglais qui avaient pris service dans l’armée égyptienne. Cette fois encore, la menace avait produit le résultat habituel. Dès le 26 janvier, le Journal Officiel du Caire avait publié une lettre en langue française adressée par Abbas II au général Kitchener, et contenant le désaveu le plus complet des critiques émises au cours du voyage. « Il m’est agréable, — disait en terminant le Khédive, — de féliciter les officiers, tant égyptiens qu’anglais, qui commandent mon armée et je suis heureux de constater les services rendus à celle-ci par les officiers anglais. »


Tel était ce souverain égyptien que l’humaniste lord Cromer comparé au Drances de Virgile, seditione potens. « C’était en vérité, — écrit-il encore, — un maître de l’intrigue mesquine, et si profondément accoutumé à des menées tortueuses qu’en aucune condition il n’aurait été capable de poursuivre longtemps une ligne de conduite un peu loyale et droite. » Tout au plus l’auteur anglais s’étonne-t-il que l’ex-Khédive « n’ait pas continué indéfiniment à intriguer dans l’ombre, et à jeter un voile prudent sur l’ardeur passionnée de son anglophobie. » À ce prix, lord Cromer nous assure que le nouveau Drances serait resté tranquillement khédive d’Egypte jusqu’à son dernier jour. « Au lieu de cela, le voici qui a préféré s’allier avec les ennemis de la Grande-Bretagne, — se croyant tout à fait certain de se ranger ainsi du côté qui allait remporter la victoire dans la présente guerre ; et dès ce moment, le malheureux s’est tué de sa propre main, en tant qu’homme public ! »

Son « suicide » a prouvé, du même coup, à lord Cromer l’impossibilité pour l’Angleterre d’appliquer désormais au problème égyptien une autre « solution » que celle qui vient d’être définitivement adoptée. Dans une longue et importante préface, le noble lord ne se lasse pas de nous vanter les avantages de cette « solution. » Il garantit que, pourvu qu’on la réalise avec assez d’habileté et sans excès de hâte, elle ne pourra que contribuer à faciliter la mise en œuvre de la politique « sagement libérale » employée dorénavant