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des charges imprévues. De violentes tempêtes ayant bouleversé les jetées de l’avant-port, il fallut renforcer ces ouvrages par d’énormes blocs de 20 à 30 tonnes et contre-balancer les tassemens périodiques par de fréquens rechargemens.


Tout en reconnaissant la nécessité de l’arsenal de Bizerte, le ministère de la rue Royale a traité la Tunisie en parente pauvre, pendant vingt-cinq ans. Il entretenait à Tunis l’aviso Hirondelle, ancien yacht impérial, asthmatique, dont la machine haletante, tournant avec un cliquetis de ferraille, donnait 7 nœuds « à tout casser. » Navire dangereux pour la côte tunisienne, où une de ces rafales soudaines si fréquentes pouvait l’affaler à terre, sans lutte possible.

Ce « stationnaire » toujours sur le qui-vive, stationnait sans stationner. Je m’explique. La Marine « prêtait » à la colonie cet aviso, se réservant de l’expédier « sur un ordre télégraphique » en Crète, à Alger, à Obock, à Tripoli. Le résident général commandait les forces de terre et de mer, sans qu’il lui fût loisible d’expédier le stationnaire à Sfax ou à Djerbah, de sa propre autorité, sans l’autorisation du ministre. D’où une situation particulière qui prêtait parfois à confusion. Paris donnait, au commandant de ce navire, des instructions écrites formelles, que le ministre accentuait de vive voix : « N’oubliez pas que nous n’avons qu’un seul navire, celui de Constantinople, à disposition d’un agent diplomatique. » C’était clair et net : le bateau devait rester en marge, entre l’enclume et le marteau.

L’Hirondelle, représentant attardé d’une marine disparue, avait pour compagnon le torpilleur 122, plus moderne, mais tangent à l’âge de la retraite. Sa chaudière unique et sa coque « ajourée » comme une écumoire, justifiaient des craintes très vives. Chaque fois que le 122 appareillait, on se demandait s’il ne resterait pas en panne dans quelque anse de la côte ou, pis encore, en pleine mer. Il fallut le mettre en réserve dans la baie Sébra, et renoncer aux inspections périodiques des sémaphores du Cap Blanc et du Cap Bon, où le personnel des guetteurs réclamait pourtant une surveillance active.

Vu l’importance des travaux projetés, le ministre nomma, en 1899, un contre-amiral au commandement de la marine dans la Régence. Douze ans plus tard, quand l’arsenal de Sidi-Abdallah eut à peu près atteint son plein développement, le décret