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tête de sa femme, Parisina, coupable d’avoir aimé son beau-fils. La bibliothèque de Renée, qui contenait une centaine d’ouvrages défendus, fut brûlée. Des sentinelles veillaient à sa porte. Mais, au bout de huit jours, les choses changèrent soudain de face ; la duchesse fut rendue à la liberté ; son accusateur Ory s’éloigna ; la vie reprit son cours au palais. L’énigme de ce revirement reste impénétrable. Les pièces du procès ont été détruites, et les contemporains ne donnent aucun éclaircissement. Renée fit-elle amende honorable ? Son amie intime Olympia Morata n’en douta pas et la qualifia de « tête légère ; » Calvin écrivait à Farel « que la constance est une vertu bien rare chez les princes ; » l’envoyé florentin, au contraire, pensait que Renée s’était simplement jouée de la crédulité du duc, et ce fut aussi le sentiment de la Cour de Rome. De fait, Renée continua d’accueillir tous les protestans qui passaient par Ferrare et, si besoin était, elle leur donnait des subsides, de même à vrai dire qu’aux moines qui venaient prêcher, car, soit par penchant, soit par politique, elle se montrait également généreuse envers les uns et envers les autres. Il en fut ainsi jusqu’au jour où elle quitta Ferrare après la mort du duc Hercule ; elle n’était guère en bonne intelligence avec son fils, le duc Alphonse, et en outre, le duc ne lui avait laissé la jouissance de l’un de ses châteaux que si elle vivait « en bonne et fidèle catholique » et de cela Renée se sentait de moins en moins capable. Au reste, Montargis, où elle se retira, ne tarda pas de devenir un foyer ardent de protestantisme.

Le développement de la Réforme fut en outre singulièrement favorisé par l’esprit particulariste et par l’antagonisme des souverains et des petites républiques qui se partageaient le Nord de l’Italie ; Sienne et Venise, pour ne pas laisser entamer leur indépendance, se refusaient à seconder la Cour de Rome dans sa lutte contre l’hérésie ; la rivalité de Lucques et de Florence donna toute liberté aux protestans de ces villes. D’une façon générale, on voyait sans déplaisir amoindrir le pouvoir pontifical que chacun redoutait.


Ces causes expliquent la surprenante extension du protestantisme en Italie, d’autant plus que le Saint-Siège y mit dans les premiers temps peu d’obstacles. Léon X, il est vrai, multiplia