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affaire fit grand bruit ; toute l’Italie prit parti ; les disciples de Luther et les défenseurs du Saint-Siège se firent une arme de son cas ; Vergerio publia une Apologie de Spiera qui détermina sa rupture avec Rome ; le Pape le déclara contumace, puis excommunié et le destitua de son évêché. Vergerio s’enfuit en Valteline et s’établit à Poschiavo où s’était constituée une petite église composée de deux cents Italiens environ, dont la plupart étaient des lettrés ou des gens de condition. Bientôt, se sentant menacé dans cet asile, il gagna la Suisse où il acquit une situation prépondérante. Il mourut à Tubingue en 1565.

Vermiglio, que l’on appelait Pierre Martyr, parce que son père l’avait voué à ce saint, fut également un prédicateur en grande réputation ; il prêcha à Bologne, à Mantoue, à Venise, à Rome, à Naples. On traita de mauvais chrétiens ceux qui n’allaient pas l’entendre, mais il lui arriva de lire les Commentaires de Bucer sur l’Evangile et sur les Psaumes, traduits en italien sous le pseudonyme d’Arezzo Folino : il eut aussi connaissance de l’ouvrage de Zwingle sur la Vraie et la Fausse religion, et il fut acquis au protestantisme ; comme la plupart des prédicateurs qui partageaient les idées d’outre-monts, il prenait souvent pour texte les Epitres de saint Paul. On remarqua, entre autres choses, qu’il n’en tirait pas la preuve habituelle de l’existence du purgatoire et les moines théatins, dont c’était le rôle d’entraver les progrès de l’hérésie, le signalèrent à la Cour de Rome. Mais le Pape ne lui donna pas tort ; il fut nommé visiteur général de son ordre, réforma bien des abus, de concert avec le cardinal Gonzaga et continua de prêcher, penchant néanmoins de plus en plus vers les doctrines luthériennes. Cité à Gênes, il jugea que le moment était venu de quitter l’Italie et gagna la Suisse presque en même temps que Ochino (1542).

A côté de ces moines qui parcouraient la péninsule, y semant des idées nouvelles, il y avait des réformateurs sédentaires qui groupaient autour d’eux de petites églises et par leurs enseignemens, par leur séduction personnelle, amenaient nombre de gens à embrasser les doctrines qu’ils professaient. Tel fut l’Espagnol Juan Valdès, qui exerça à Naples une incroyable influence ; il était arrivé lors de la conquête espagnole ; la distinction de son esprit, l’agrément de son entretien, lui acquirent promptement de nombreuses amitiés ; il excellait dans les