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des reliques, moins ce semble par piété que pour en faire collection, car il se contentait de les enfermer dans des boîtes de toutes sortes, en or, en verre, en bois, en ivoire. Vergerio fut chargé de lui en porter un certain nombre ; mais, avant qu’il partît, l’Électeur se ravisa, le produit des indulgences avait beaucoup baissé, il lui fallait faire des économies : il commença par les reliques et donna ordre de les vendre. Cependant les préparatifs de son voyage avaient mis Vergerio en relations avec les Allemands. Comme, d’autre part, il était bien en cour de Rome, il fut envoyé par le Pape en qualité de nonce auprès de l’Empereur. C’est au cours de ses pérégrinations en Allemagne qu’il rencontra Luther, en novembre 1535. La description qu’il donne de lui montre surtout sous quel aspect on se le représentait en Italie. « Il était, écrit-il, corpulent, avait des yeux louches, ardens, mobiles, pleins de l’ardeur et de la rage dont il était animé ; il portait quelques bagues, un gros bijou d’or suspendu au cou, un bonnet de prêtre, des vêtemens de velours et de satin garnis de fourrures. Il parlait latin sans trop de rudesse, quoique Allemand… » Leur conversation fut une altercation, au dire de Vergerio. Vergerio était fort emporté, ainsi qu’on le voit dans ses lettres où il éclate sans cesse en invectives contre les hérétiques. Cependant les devoirs de sa charge, surtout lorsqu’il assista au Colloque de Worms, en 1540, le mirent en contact de plus en plus fréquent avec les chefs du mouvement protestant ; il connut Bucer, Sturm, Mélanchthon ; on s’en inquiétait autour de lui ; à la vérité, Vergerio traversait une crise de conscience violente ; il écrivait à Rome que trop de liens l’attachaient au Saint-Siège pour qu’on pût douter de sa loyauté ; son frère était évêque comme lui ; mais l’influence des hommes éminens avec qui il avait conversé ébranlait la fermeté de ses convictions ; il voulut se recueillir et alla chercher un refuge dans la petite cité de Capo d’Istria dont il était évêque.

« Je suis dans une belle solitude et je ne songe qu’à cultiver mon âme, » écrivait-il à Vittoria Colonna. Il ne voulut pas rester oisif ; son activité et sa combativité avaient besoin d’un aliment ; il entreprit donc la rédaction d’un traite dirigé contre « les apostats d’Allemagne. » Ce fut ce qui décida de sa conversion ; à tant fréquenter les œuvres des luthériens, il les trouva de plus en plus solides ; il essaya tout d’abord de réformer son diocèse conformément aux principes des réformateurs