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Argonautes, des Amis de la Vertu, des Sereins… Celle des Elevés comptait parmi ses membres Calcagnini, un novateur convaincu, mais qui toutefois n’aspirait pas au martyre : « Persuadé, écrivait-il à un de ses amis, qu’il est dangereux de traiter des questions théologiques devant la multitude et dans les discours publics, je trouve plus sûr de parler avec le plus grand nombre et de penser avec quelques-uns. » Néanmoins, il était lié avec les plus zélés défenseurs de la Réforme et, dans son académie comme dans les autres, on se passionnait pour la morale et la philosophie.

Dans plusieurs villes s’étaient fondées des associations d’un tout autre caractère et fort étranges, dont l’action ne fut pas sans influence sur la propagation des idées nouvelles, et plus encore sur les réformes que le Saint-Siège imposa par la suite. La première avait été constituée à Gênes en 1497 sur l’initiative de Gaetano da Tiene, que le pape Clément X canonisa en 1671 ; ce même Gaetano en créa une autre à Rome en 1517. Le but de ces associations était, disent les statuts, de « répandre l’amour divin, c’est-à-dire la charité ; » aussi prirent-elles le nom de société Del Divino Amore. Il était imposé à chacun des associés de se montrer humble de cœur. Cependant, malgré des intentions si avouables, ces associations étaient en réalité des sociétés secrètes ; il était défendu aux membres de révéler les noms des associés, les propositions agitées dans les réunions, le but de l’œuvre. Une surveillance mutuelle fut organisée. Chaque année, à l’époque du Carême, une réunion avait lieu au cours de laquelle les assistans se retiraient chacun à leur tour, afin que, pendant leur absence, leur conduite pût être examinée. Ceux qui avaient quelque chose à révéler devaient le déclarer ; on votait ; un quart de boules noires suffisait pour décider l’exclusion. Mais le membre ainsi frappé n’était informé du vote que plus tard « avec des ménagemens. »

A Rome, l’association comptait une soixantaine de membres dont quatre devinrent cardinaux ; un autre fut Aléandre, l’un des agens les plus actifs du pouvoir pontifical dans sa lutte contre le luthéranisme en Allemagne et dans les Flandres. De fait, la société Del Divino Amore ne se montra jamais hostile au Saint-Siège ; loin de là, mais elle s’efforça de montrer, par l’exemple et la propagande de ses membres, que les abus devaient et pouvaient être supprimés et que l’Eglise ne serait sauvée qu’à