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« En l’année 1520, dit Guicciardini, commencèrent à se répandre des doctrines nouvelles, hostiles d’abord à la papauté, puis à l’Église elle-même, lesquelles avaient pris naissance en Saxe. »

Ce fut d’abord par les livres que le luthéranisme se propagea en Italie. Le terrain avait été admirablement préparé par les nombreux ouvrages d’exégèse, par les commentaires et les traductions des livres saints publiés depuis une cinquantaine d’années. Le réveil des esprits dont l’humanisme fut une des formes, le goût des recherches littéraires qui s’ensuivit, la diffusion du savoir produite par l’imprimerie, portèrent les Italiens à vouloir mieux connaître les Écritures. Dès 1477, le texte hébraïque du Psautier avait été publié ; un groupe de docteurs juifs avait donné, en 1488, une version nouvelle de la Bible ; Giambattista Folengo, fils du fameux Coccaïe, entré dans l’ordre des bénédictins en 1506, publia un commentaire sur les Psaumes de David et sur les Épîtres de saint Pierre, de saint Jacques et de saint Jean, qui figurèrent plus tard dans l’Index ; la première édition de la Septante sortit en 1518 des presses aldines sous la direction d’Andréa d’Assolo. Plus tard, Antonio Brucioli fit une traduction intégrale de la Bible ; le Cantique des Cantiques, le Livre de Job, avaient été mis précédemment en italien.

Les écrits des réformateurs allemands eurent d’autre part le meilleur accueil. Dès 1519, un libraire, Calvino di Menaggio, faisait connaître quelques-unes des lettres de Luther. Le fameux traité de Mélanchthon, Loci communes, publié à Wittemberg en 1521, ne tarda pas à être commenté dans toute la vallée du Pô. Il y avait déjà tant de livres hérétiques en Italie vers 1523, que le pape Clément VII recommandait, le 17 janvier 1524, à l’évêque de Trente « de faire rechercher et brûler les écrits dangereux qui avaient pénétré d’Allemagne en Italie, » et il enjoignait au vicaire de cet évêque de s’opposer de tout son pouvoir à leur diffusion. Ce fut en vain. Luther se félicite, à cette époque, dans sa correspondance, du succès de ses doctrines en terre italienne. Les livres hérétiques étaient partout demandés : on en faisait entrer à Bologne, dissimulés dans des charrettes de blé ; on en imprimait à Venise sous de faux noms, et l’autorité ecclésiastique, sans défiance, les laissait circuler. Le cardinal Serafino Razalio racontait plus tard que longtemps on avait lu à Rome, sans penser à mal et avec un vif intérêt,