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Machiavel, de n’en pas remercier V. A. R. C’est bien de cet ouvrage que l’on peut dire ce que l’on disait du Télémaque, « que le bonheur du genre humain en naîtrait, s’il pouvait naitre d’un livre. » J’espère Monseigneur, que vous nous enverrez la suite de ce bel ouvrage. »

Le 4 mars 1740, Mme du Châtelet revient à la charge :


« Monseigneur,

« Je lis actuellement la suite du bel ouvrage de V. A. R. mais j’ai trop d’impatience de lui dire combien j’en suis enchantée pour attendre que j’en aie fini la lecture. Il faut, Monseigneur, pour le bonheur du monde, que V. A. R. donne cet ouvrage au public. Votre nom n’y sera pas, mais votre cachet, je veux dire cet amour du bien public et de l’humanité, y sera, et il n’y a aucun de ceux qui ont le bonheur de connaître V. A. R. qui ne l’y doive reconnaître. En lisant l’Antimachiavel, on croirait que V. A. R. ne s’est occupée toute sa vie que des méditations de la politique, » etc.

Frédéric, qui n’est pas auteur à demi, ne consent pas à être en reste dans ce manège. Lui aussi, il veut qu’on sache, quoique ce ne soit pas vrai, « qu’il n’est demeuré qu’un quart d’heure à le faire. » À la marquise, de Berlin, le 18 mars :

« La Réfutation de Machiavel, dont votre indulgence m’applaudit, aurait peut-être mieux réussi, si j’avais eu tout le loisir nécessaire ; mais il y a quatre mois que je suis ici, c’est-à-dire dans l’endroit du monde le plus tumultueux et le moins propre à ce recueillement d’esprit que demandent des ouvrages réfléchis. J’ai fait une trêve avec Voltaire, le priant de m’accorder quelques semaines de délai, après quoi, je lui ai promis d’être impitoyable à l’égard des fautes qui me sont échappées dans la composition de cet ouvrage. »

C’était la répétition de la lettre du 3 février à Voltaire, personnellement :

« Malgré le peu de temps que j’ai à moi, j’ai pourtant trouvé le moyen d’achever l’ouvrage sur Machiavel dont vous avez le commencement. Je vous envoie par cet ordinaire la fin de mon ouvrage, en vous priant de me faire part de la critique que vous en ferez. Je suis résolu de revoir et de corriger sans amour-propre tout ce que vous jugeriez indigne d’être présenté au public. Je par le trop librement de tous les princes pour permettre