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meurtrière les petits projectiles dont il est chargé et dont la vitesse propre, s’ajoutant à celle de l’obus lui-même, est suffisante pour perforer la tête la plus solide et la plus carrée qui soit.

Le mécanisme de la fusée a pour but de faire éclater le shrapnell au moment voulu et à la hauteur la plus convenable. Sans entrer dans aucun détail, il nous suffira de dire que ce mécanisme est déclenché par des ressorts qui s’arment automatiquement au moment du départ du coup, et par un petit cordon de poudre qui brûle dès ce moment-là, met le feu quelques instans après à la chambre de poudre placée au fond de l’obus et fait éclater celui-ci. Le nombre de ces instans, c’est-à-dire le temps qui sépare le départ de l’obus de son éclatement, dépend uniquement de la longueur utile de ce petit cordon de poudre. On règle à volonté celle-ci au moyen d’un trou que l’on perce dans la fusée et qui la débouche, c’est à dire la met, à cet endroit, en communication directe avec l’amorce qui enflammera le cordon de poudre, sans qu’il soit besoin de la combustion du reste du petit cordon. Le débouchage de la fusée se faisait jadis à la main au moyen d’un emporte-pièce, et suivant les indications du capitaine ; le débouchoir est un merveilleux appareil que manie le déboucheur et qui fait maintenant cette opération automatiquement, avec une précision et une vitesse bien supérieures. Dans l’artillerie de campagne allemande, on continue à déboucher à la main ; on n’y a pas le débouchoir, et c’est une des raisons de la supériorité de la nôtre.

Il est doux de battre l’ennemi avec les armes qu’il a forgées lui-même ; et c’est pourquoi nos téléphones de batteries boches nous sont si précieux. Il faut jouir de ce qu’il a pu faire de bien et le mettre hors d’état de faire autre chose. Si nous voulons écraser à jamais l’Allemagne sanguinaire et sa tyrannie belliqueuse, c’est peut-être, en un certain sens, parce que la musique allemande nous a été parfois agréable. Tout justement depuis 1870, depuis qu’elle s’est lancée dans sa mégalomanie bardée de fer, l’Allemagne n’a réellement plus produit ni un grand musicien, ni un grand penseur. En lui rognant pour toujours ses ongles tachés de sang innocent, en muselant sa mâchoire féroce, en l’empêchant de consacrer jamais dans l’avenir son activité à d’autres choses qu’aux arts de la paix,