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que le Cabinet de Saint-James, conscient des préférences nettement pacifiques de sa majorité libérale, resterait spectateur patient de toute guerre où aucun intérêt britannique vital ne serait en jeu. Combien de fois la presse berlinoise n’a-t-elle pas développé ce thème, en l’accompagnant, pendant la courte durée de la crise austro-serbe, de basses flatteries à l’adresse de la Grande-Bretagne ! Cette conviction était accréditée dans le public allemand par la haute finance, dont les intrigues n’ont pas cessé d’être actives à Londres, non seulement auprès du monde des affaires, mais aussi des hommes politiques. Des démarches à l’effet d’empêcher éventuellement toute participation de l’Angleterre à une lutte continentale, furent poursuivies jusque dans les couloirs du Parlement de Westminster par des financiers d’origine allemande. Peu de temps avant les hostilités, dans le courant du mois de juillet, M. Ballin, l’homme de confiance du Kaiser, arrivait à Londres, chargé de prendre des dispositions en vue de la guerre et d’abuser ses amis anglais sur les dispositions pacifiques de l’Allemagne, alors que tout était déjà prêt pour une entrée en campagne foudroyante.

Les fautes politiques de Guillaume II sont provenues souvent de la trop grande confiance qu’il avait dans son habileté et son jugement personnels. Après 1911, il a désiré ardemment opérer un rapprochement entre les deux nations, l’anglo-saxonne et la germanique, parentes par le sang et rattachées l’une à l’autre par de multiples souvenirs historiques. Des symptômes de détente ont été visibles dès l’année suivante, mais l’Empereur s’est trompé sur le degré de chaleur auquel étaient remontées les relations entre les deux gouvernemens et les deux pays. Il a cru trop tôt avoir partie gagnée et a démasqué brusquement ses cartes, ce qui a décidé le Cabinet britannique à abandonner le jeu.

Dans un meeting tenu à Cardiff, le 2 octobre 1914, à l’occasion de la guerre, le premier ministre, ayant pris la parole, a fait une révélation très intéressante sur la tentative de rapprochement de 1912. « Nous avons adressé alors, a-t-il dit, au gouvernement allemand la communication suivante, dent les termes avaient été soigneusement pesés par le Cabinet et qui indiquait quelles devaient être, à notre avis, nos relations avec l’Allemagne : « La Grande-Bretagne déclare qu’elle n’attaquera