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de grand amiral et d’inspecteur général de la marine, car la vie sédentaire de la capitale n’avait aucun attrait pour son activité toujours en exercice.

Marin, diplomate et sportsman, c’est sous ce triple aspect qu’il s’est montré. Comme chef d’escadre, son énergie s’est surtout employée à entraîner la jeune marine allemande, à faire de la flotte de haute mer, celle des dreadnoughts, des torpilleurs et des sous-marins, une arme extrêmement redoutable, autant par la puissance des navires que par la vigueur des officiers et la discipline des équipages. Sa parenté avec la famille royale d’Angleterre lui a servi de prétexte à de fréquens voyages dans l’île voisine ; il y a appris à connaître le fort et le faible de la marine britannique qu’il se préparait à combattre un jour. Il aimait à se dire le camarade et l’admirateur des marins anglais ; c’était en attendant de pouvoir torpiller leurs vaisseaux et d’essayer de détruire leur suprématie navale.

Ambassadeur extraordinaire aux Etats-Unis dans des circonstances délicates, après un refroidissement entre les deux pays, causé pendant la guerre contre l’Espagne par un incident aux Philippines, c’est à lui que Guillaume II a confié le soin d’inaugurer sa politique américaine de rapprochement et d’amitié. Aucune autre Altesse prussienne n’aurait été aussi habile que le prince Henri à conquérir par la rondeur de ses manières, par sa simplicité démocratique, les sympathies des politiciens et des journalistes de New-York et de Chicago. Il a rempli avec un égal succès des missions difficiles en Russie et au Japon. Tout dernièrement, l’Empereur l’envoyait dans les républiques sud-américaines, cette fois pour aplanir la voie à un accaparement commercial des marchés du Brésil, de l’Argentine et du Chili par les grandes industries de l’Empire.

Le Prince s’est fait aussi le propagateur ardent des sports qui ont pour but de façonner à la lutte la jeunesse germanique. Automobiliste de la première heure, il s’est appliqué à répandre l’usage des transports rapides. Son esprit en éveil a deviné, un des premiers, l’emploi militaire de l’aviation. S’il n’a pas eu de place apparente parmi les conseillers du souverain, tous ses efforts n’en ont pas moins été dirigés vers la préparation d’une guerre qu’il jugeait lui-même très prochaine. Il a contribué de la sorte à la rendre inévitable.