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qui pourrait résulter, pour les relations de ce pays avec l’Allemagne, de l’application des menaces de la proclamation de l’amirauté allemande, si un navire marchand des États-Unis était détruit, ou si un citoyen des États-Unis était tué. » A la menace de Berlin, Washington en oppose une autre. « Si, dit-il, une situation si déplorable se produisait, le gouvernement impérial peut facilement comprendre que le gouvernement des États-Unis serait contraint de tenir le gouvernement allemand strictement et complètement responsable des actes de ses autorités navales et de prendre toutes les mesures qui pourraient être nécessaires pour sauvegarder l’existence et les biens des Américains et pour assurer aux citoyens américains la jouissance de leurs droits reconnus sur la haute mer. » Il est difficile de parler un langage plus clair. Quelle a été la réponse de l’Allemagne ? Elle peut se résumer en quelques mots, ceux que M. de Bethmann-Hollweg a déjà fait entendre au commencement de la guerre : nécessité n’a point de loi. Ou, en d’autres termes : il n’y a de loi que l’utilité et les convenances de l’Allemagne. Et la réponse de Berlin par le comme si ce droit nouveau était dès maintenant établi. Il semble, à la lire, que ce soit l’Angleterre qui viole constamment et impudemment tous les principes du droit des gens. L’accusation est énoncée à maintes reprises avec une rare insolence et, semble-t-il, avec une lourde intention d’ironie : « Si le gouvernement américain, y est-il dit, au dernier moment, écartait les raisons qui rendent les mesures allemandes nécessaires et surtout trouvait le moyen de faire respecter la déclaration de Londres et rendait ainsi possible pour l’Allemagne l’importation des denrées nécessaires, alors le gouvernement allemand ne saurait trop estimer un pareil service rendu dans l’intérêt des méthodes de guerre humanitaires. »

Ce mot de guerre humanitaire résonne étrangement dans une bouche allemande. Oublie-t-on par hasard à Berlin qu’au regard de l’Allemagne la guerre humanitaire est la plus féroce, la plus atroce, sous prétexte qu’elle est la plus courte ? L’Angleterre pourrait répondre : Patere legem guam ipse fecitti ; subis la loi que tu as faite toi-même. Mais ce n’est pas ainsi qu’on parle, ni surtout qu’on agit dans ce grand et noble pays. L’Angleterre a scrupuleusement respecté tous les principes du droit des gens. Il y a eu un moment où les États-Unis ont paru avoir un doute à ce sujet, et une note a été adressée de Washington à Londres pour appeler l’attention de l’Angleterre sur le nombre jugé trop grand, de navires américains saisis en pleine mer. Dans la réponse qu’il vient de faire à cette note, le gouvernement