Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

AU SERVICE DE LA NATION[1]

Pour nous plaire, il faut, à présent, que les livres aient au moins quelque rapport avec notre unique souci ; et nous leur permettons de nous divertir un instant, mais pourvu qu’ils semblent ne pas ignorer notre alarme et nos espérances. Qu’ils n’essayent pas de nous mener trop loin hors de là : nous ne les suivrions plus. Comme, à certains jours, les amis les plus chers, ils n’ont avec nous à choisir qu’entre le silence et une causerie toute pleine de précaution, toute proche de nos sentimens.

Nous pouvons lire Au service de la Nation. C’est un recueil de lettres écrites par des volontaires, dans les huit dernières années de l’avant-dernier siècle, et recueillies, annotées par le colonel Ernest Picard. Lettres familières, quelquefois un peu emphatiques, mais avec tant de naïveté ! lettres qui, des armées du Rhin, des armées du Nord, de l’armée des Alpes ou de l’armée d’Italie, allaient trouver, dans les villages et les petites villes de l’intérieur, des mamans, des épouses, des sœurs, des fiancées, des amis et qui les touchaient ainsi que maintenant nous émeuvent celles de nos soldats ; lettres tout exaltées de la grande ferveur patriotique, ininterrompue à travers notre histoire, mais qui a ses périodes d’élan plus vif : à la fin de l’avant-dernier siècle et aujourd’hui, la flamme est particulièrement haute et belle. Regardons-la et chauffons-y nos âmes.

Plusieurs de ces lettres, qui sont vieilles de cent vingt ans, on les dirait écrites d’hier ; et elles nous font frissonner, quand elles

  1. Au service de la Nation, lettres de volontaires (1792-1798) recueillies et publiées par le colonel Ernest Picard (Alcan, éditeur)