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bien se ravitailler en cours d’opérations. M. Lake, ingénieur naval à qui l’on doit des plans intéressans, exécutés surtout en Amérique, n’est pas éloigné de croire que, conformément à des propositions qu’il a faites, il y a quelques années déjà, les bateaux allemands sont disposés pour se ravitailler en combustible liquide, ou même en charbon, — celui-ci en sacs, le pétrole en caisses étanches, — au fond de l’eau, l’approvisionnement en question étant déposé à l’avance en des points déterminés en longitude et latitude, ou faciles à repérer au moyen d’amers naturels empruntés à une côte voisine.

Que l’on ne crie pas à l’invraisemblance ! Après tout ce que nous avons vu déjà, l’incrédulité systématique n’est plus de mise. En somme, une seule condition est ici indispensable, c’est que le dépôt soit fait par des fonds de 20 à 25 mètres, au maximum, les sous-marins ne pouvant guère descendre à 30 mètres sans risquer des avaries de coque résultant de la pression de l’eau. Pour le reste, c’est affaire de dispositifs spéciaux, de sas étanches, qu’il est aujourd’hui aussi aisé de réaliser que de concevoir, et aussi d’une habileté de manœuvre dont les officiers allemands ne sont point du tout incapables.

Ils ont d’ailleurs à leur disposition d’autres moyens et de moins « Jules-Verne. » Le dépôt dont il s’agit peut fort bien se trouver dans une anse discrète d’un des innombrables îlots déserts de la côte de Norvège, depuis si longtemps et si attentivement pratiquée par la marine impériale. Rien ne s’oppose même à ce que nos adversaires aient trouvé des points favorables dans les Shetland ou aux Féroê. On sait assez avec quelle minutie ils ont tout préparé pour le succès de leurs opérations et qu’au demeurant ils ont su s’assurer les connivences nécessaires.

Mieux encore, ou plus simplement : les sous-marins allemands peuvent se réapprovisionner à bord de vapeurs battant pavillon neutre, affrétés, en réalité, par des agens secrets du gouvernement impérial et qui suivront à des dates connues un itinéraire déterminé. Il est aisé de donner un « rendez-vous à la mer, » en dehors de la zone de surveillance des escadres anglaises à de vulgaires cargo-boats faisant régulièrement le trajet de Glasgow à Bergen, par exemple, et vice versa.

En dépit de ces précautions, il reste que la période de croisière dans la mer d’Irlande, la période « d’effet utile » de chacun des grands sous-marins allemands sera toujours fort courte.