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de revue : à la date du 24 août, au lendemain de Charleroi, le Kaiser eût cassé aux gages, comme dûment convaincu d’imbécillité, un général qui se fût permis de penser qu’en octobre et à supposer qu’elle fût encore vivante, la France, dans les soubresauts de son agonie, aurait encore la force de distraire des unités pour les envoyer au secours de la Belgique. Il est certain, quoi qu’il en soit, que c’est à cette erreur de calcul ou à cette folle présomption que l’armée belge a dû son salut.

L’effort qu’il avait dédaigné de faire en août sur Gand et la Flandre occidentale, l’ennemi allait le tenter en octobre, après la chute d’Anvers. Les conditions ne semblaient pas avoir beaucoup changé. Gand, ville ouverte, largement étalée dans une plaine d’alluvions, au confluent de l’Escaut et de la Lys, qui s’y désarticulent en une infinité de canaux, est de tous côtés à la merci d’un coup de main. Pas de forts, pas de remparts : pour arrêter l’ennemi, nous ne devons compter que sur les défenses improvisées. Les troupes de la garnison, sous les ordres du général Clothen, se réduisent à huit escadrons de cavalerie, une brigade mixte, une brigade de volontaires et deux régimens de ligne, et leurs effectifs sont bien amaigris. C’est assez cependant, avec nos 6 000 fusils, pour leur permettre de se déployer dans la boucle de l’Escaut et entre ce fleuve et la Lys, sur le front Sud de la ville, qui semble particulièrement menacé ; si elle débarque à temps, demain, la division anglaise renforcera le front, qu’il est inutile d’étendre davantage pour une défense toute provisoire, puisqu’on nous demande seulement de faire gagner une journée ou deux à l’armée d’Anvers.

Le reste de la brigade a suivi de près l’amiral. Les derniers trains arrivent à Gand dans la soirée du 8. Toute la population est sur pied, acclamant les marins qui traversent la ville pour se rendre au Grand-Théâtre, converti en caserne. Le lendemain, branle-bas à quatre heures et demie. On boit le « jus, » et en route pour Melle où les Belges nous ont préparé des tranchées.


II. — LA BATAILLE DE MELLE

Elle n’a pas autant souffert que nous le craignions, la petite ville dentellière, sœur cadette de Malines et de Bruges : les seuils n’y bruissent plus du froissement des fuseaux ; quelques maisons portent dans leurs orbites creuses, sur leurs façades