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d’être entendu, — que le problème n’est pas unilatéral et que sa solution exige l’entente entre le capital et le travail. A ceux qui pourraient en douter encore, la crise actuelle démontre que l’appauvrissement des riches ne fait pas l’enrichissement des pauvres. Le dernier mot de la sagesse pratique, en matière sociale, est encore le vieil axiome de « l’harmonie des intérêts » et l’un des élémens essentiels du progrès démocratique, c’est la prospérité économique et financière.

Jetons maintenant les yeux de ce côté, et voyons quelle sera, à cet égard, après la guerre, la situation du pays.


LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Deux facteurs inégalement importans, tristes legs tous les deux de nos revers, ont affecté assez sérieusement les finances et la prospérité de la France, depuis 1870. L’indemnité de guerre de cinq milliards, quoiqu’elle ait été facilement payée, a laissé derrière elle le poids mort d’un véritable accroissement des arrérages de la dette ; le régime de faveur résultant pour l’Allemagne du traité de Francfort a lourdement pesé depuis un demi-siècle sur notre régime douanier et gêné la liberté de nos négociations avec les autres Etats. Espérons qu’après le traité… de Bruxelles, voulez-vous ? — la situation sera renversée à notre profit. Nous reprendrons nos cinq milliards, avec les intérêts composés, et, profitant de notre liberté économique heureusement reconquise, nous essaierons de rétablir notre ancienne supériorité industrielle et commerciale. Sur ce point, avouons qu’il y a beaucoup à faire.

Les amis de l’Allemagne, — nous en étions aussi infestés que de ses espions, — ont mené ces dernières années une campagne des plus actives pour que personne n’ignorât sa suprématie dans le domaine économique. Quel concert de louanges en l’honneur du puissant, du riche, du méthodique, de l’incomparable Empire ! On y insistait trop pour qu’il y eût là simplement l’énoncé d’un fait ; il y avait aussi une tactique. Les germanophiles faisaient complaisamment ressortir les chances de gain que de tels atouts mettaient dans le jeu de l’Allemagne en cas de conflit armé. L’inéluctable conclusion était la nécessité de s’entendre avec un voisin si bien outillé et si