Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
GRANDES QUESTIONS DE DEMAIN

Tant que durera la guerre, il faudra faire un réel effort pour penser à autre chose qu’à la guerre elle-même ; mais, s’il est impossible, en ce moment, de détourner les yeux du front, on peut, sans changer la direction du regard, le prolonger au-delà et envisager l’avenir sous l’angle du présent. Les guerres les plus longues ne sont que des crises passagères. Quand la voix du canon se sera tue, quand le nuage de sanglante fumée qui barre l’horizon se sera dissipé, quel tableau s’offrira à nos yeux ? Que sera la France de demain ? Les destinées d’un peuple libre dépendent surtout de lui-même : se demander quelle sera la France de demain, c’est se demander ce qu’elle voudra, ce qu’elle doit vouloir être.

Tel est l’objet de cette étude, qui n’est pas un article de polémique, encore moins une œuvre de parti, et où nous essaierons simplement de grouper et de mettre en lumière des idées qui sont actuellement communes à la plupart des bons Français. Ces fils d’une même patrie, hier encore si divisés, si dispersés moralement, n’ont été ni abattus, ni même ébranlés par la formidable secousse qui les a au contraire remis debout et rapprochés les uns des autres. Le navire est menacé, et, de même que dans la tempête le grondement de l’Océan étouffe tout autre bruit, dans la tourmente actuelle tous les cris discordans se sont tus, et l’on n’entend plus qu’une voix : la grande voix de la conscience nationale. Elle ordonne à toutes les énergies d’aspirer au même but et à tous les cœurs de battre à l’unisson : elle le leur ordonne, non seulement pour