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européennes, et manquent de produits à transformer. Dès longtemps les explorateurs, et spécialement Kichtoffen, avaient reconnu l’existence de houille et de minerai de fer abondans dans cette province. Il serait assez facile de dériver vers un nouvel établissement bien organisé une bonne partie du mouvement commercial qui se faisait par d’autres points de la côte.

La prise de possession ne fut ni difficile ni longue. Elle s’accomplit avec la brutalité qui est le principe d’action du Germain, quand il n’a pas affaire à quelqu’un sûrement plus fort que lui, auquel cas il adopte la duplicité et la servilité. Le 14 novembre 1897, arrivait en face de l’entrée de la baie de Kiaou-Tchéou le contre-amiral Von Diedrichs, à la tête de quatre navires. Le lendemain, il les faisait mouiller en position de combat, de bombardement des forts chinois soi-disant destinés à défendre la baie et le port. Et le lendemain matin, il envoyait un ultimatum au commandant de la place, un général chinois qui avait sous ses ordres d’assez bonnes troupes bien armées. L’ultimatum lui intimait l’ordre d’évacuer les forts et la ville dans les trois heures. Le général obéit pacifiquement à cet ordre. Ses troupes gagnèrent d’abord les collines qui bordent la baie et la rade ; mais, sans ordres supérieurs, elles abandonnèrent complètement le pays aux Allemands, qui arborèrent solennellement leur pavillon.


Il avait pourtant fallu un prétexte à cette prise de possession : on avait argué de ce que, au commencement de novembre, deux missionnaires allemands avaient été tués dans l’intérieur de la province. On s’était bien gardé de demander une satisfaction, la punition des assassins : on entendait se payer soi-même, en choisissant le meilleur morceau à prendre. L’opération avait été menée rondement, après avoir été étudiée longuement et mûrement : toujours l’attaque brusquée. Et le contre-amiral en fut récompensé par le grade de vice-amiral, dès le 23 du mois.

Ce qui prouvait que les ambitions politiques allaient ici de pair avec les visées commerciales, c’est qu’immédiatement l’Allemagne créait une puissante escadre dans les mers de Chine : elle avait sa base d’opérations, qui allait du reste permettre à l’Empire de développer ses possessions dans le Pacifique. Nous