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Hortense toutes les dotations et pensions paternelles et plus tard, à Sainte-Hélène, il l’inscrivit encore sur son testament pour une somme de 100 000 francs. Il ne supposait pas que cette enfant disparaîtrait à seize ans, et laisserait sa mère privée non seulement de l’objet d’une si tendre sollicitude, mais aussi des moyens matériels attachés à l’existence de cet être adoré.

Ce deuil a resserré davantage l’affection que la duchesse porte à la Reine et dont elle donne une nouvelle preuve en faisant le voyage de Londres exprès pour venir la voir. Elle ajoutait à sa dernière lettre : « Quelques offres qu’on vous fasse de passer par la France, écartez-les. Surtout, refusez de suivre ceux qui iraient vous chercher à Londres pour vous amener à Paris. » Ce conseil est parfaitement conforme aux dispositions de la Reine, qui s’en tient à pousser ses réclamations de finance auprès du roi Louis-Philippe et de M. d’Houdetot. Je la presse ce soir d’en finir avec les lettres qu’elle leur adresse, et ayant eu le bonheur de lui fournir quelques phrases dont elle est contente, la décide à signer et à cacheter. Pour le reste, elle compte sur une lettre de crédit que les frères Devaux lui font attendre. Elle espère aussi se procurer des ressources extraordinaires en vendant ici le collier du couronnement. Un M. Taylor, qui fut autrefois au service de l’impératrice Joséphine, est chargé de cette négociation.

Sa situation précaire ne lui permet pas de soudoyer des conspirateurs, et cependant ces conspirateurs commencent à se glisser au chevet du Prince. Un réfugié italien, nommé Mirandoli, s’est présenté à lui comme l’ami du pauvre Napoléon. Ce mot de passe lui a fait ouvrir la porte et la Reine, elle-même, n’a pu se refuser à une entrevue avec cet homme, d’où elle est sortie en larmes et toute bouleversée.

Il s’est bientôt démasqué comme l’envoyé d’un M. Lennox, nouveau bonapartiste et correspondant du prince Achille à Paris. Le prince Louis, refusant d’entrer dans cette machination, a fort sagement répondu que « dans les circonstances malheureuses où il se trouve, les choses de ce monde ne l’intéressent plus, et qu’étant sans ambition personnelle, il ne porterait jamais le trouble ni la guerre civile dans sa patrie. » Mirandoli cependant ne s’est pas tenu pour battu, car deux jours après, au lever de la Reine, comme je lui portais deux lettres écrites par son ordre, je l’ai trouvée dépliant de grandes affiches que son