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Lundi, 23 mai.

La Reine hier était horriblement inquiète de son fils ; un vésicatoire qu’on lui avait mis le faisait cruellement souffrir et, à trois reprises, il s’était trouvé mal. En essayant de le faire causer, selon ce qu’elle désirait de moi, j’ai appris qu’il songe en effet à entrer comme soldat dans un régiment d’artillerie français, de préférence celui de Strasbourg. La Reine et moi irions passer l’hiver auprès de lui ou bien, si Louis-Philippe lui refusait cette place si modeste dans les rangs de l’armée française, c’est à Genève, auprès du général Dufour, que nous nous installerions à la fin de l’automne.

Voilà des projets destinés sans doute à être défaits et refaits bien des fois, tant notre situation est incertaine et tant de nuages accumulés couvrent encore notre horizon.


Mardi, 24 mai.

M. Léon de Laborde est fils de M. Alexandre de Laborde, qui a composé la plupart des romances mises en musique par la Reine et la plus célèbre de toutes : Partant pour la Syrie. Ce jeune homme fut précédemment à Rome, sous M. de Chateaubriand, démissionna de son poste en même temps que son ambassadeur et se retrouva aide de camp de M. de La Fayette en juillet dernier. Il vient d’être attaché à notre ambassade à Londres, ce qui le mettrait à portée de nous être utile, s’il était moins jeune et plus expérimenté. Au-dessus de lui, le troisième secrétaire est M. Casimir-Perier, que nous avons vu à Rome, mais qui nous ignorera ici. La Reine ne connaît ni le premier ni le second secrétaire ; elle n’en a pas moins, grâce à M. de Montrond, une communication quotidienne avec M. de Talleyrand.

M. de Montrond est tombé sur nous au sortir de table, avec cette manière que l’on trouve originale et qu’il croit de bon ton, d’entrer sans saluer et sans dire bonjour. A propos de la lettre attendue du Palais-Royal, il a dit que les rois ne se piquent pas d’exactitude, et que Louis-Philippe pourrait fort bien ne pas répondre.

Le prince de Bénévent a fait dire aujourd’hui à la Reine