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mettait des formes jusque dans ses procédés de révolutions. Le trône de Charles X une fois renversé, il proposait de former à Paris un directoire de cinq membres dont chacun représenterait l’un des grands partis : les bonapartistes, les légitimistes, les orléanistes, les libéraux et les républicains. Dupin, dans ce conseil, représenterait le Duc d’Orléans ; il ne tiendrait qu’à Joseph d’y représenter le Duc de Reichstadt. Ensuite, on s’adresserait à la nation par voie de plébiscite ; le vote populaire ne manquerait pas alors de prononcer en faveur de Napoléon II la forme définitive du gouvernement.

Le roi Joseph, souscrivant au projet, s’abonna aux journaux et rentra dans la lice politique. Au premier bruit des événemens de Juillet, il fit ses préparatifs pour repasser l’Océan ; mais le paquebot suivant lui ayant apporté la nouvelle que le Duc d’Orléans venait d’accepter la couronne, il eut la sagesse de ne pas quitter Point-Breeze et l’imprudence de lancer à la Chambre cette protestation du mois d’octobre, où madame Mère n’avait vu qu’un coup d’épée dans l’eau, propre à éclabousser tous les membres de la famille. Achille Murat, au contraire, s’en déclare satisfait. « Quand il s’agit du sort de l’Europe, on n’a pas le droit, dit-il, de songer à sa fortune particulière ! » Il oublie en cela les lettres pressantes par lesquelles sa mère lui prêche à lui-même la modération et la prudence.

La reine Hortense se tient au même point de vue que la reine Caroline. Elle veut qu’on lui rende son million d’abord, et, pour l’obtenir, cherche des alliés parmi les ministres anglais. J’écrivais cet après-midi pour elle à Torlonia, Doxa et Dervaux, quand elle est venue m’interrompre pour que nous allions ensemble chez lady Holland[1]. Nous nous sommes habillées à la hâte. M. Fox s’est trouvé là pour faire route avec nous et diriger notre cocher, par Hyde Park, vers la petite ville de Kensington.

L’habitation de sa mère, qu’il nous avait dit être bizarre et d’un genre un peu trop mauresque, nous a paru au contraire très originale, très élégante et surtout très mystérieuse, au fond

  1. Lady Holland (Elisabeth Vassall), femme divorcée, puis veuve de sir George Werbster, avait ensuite épousé lord Holland dont elle était passionnément aimée. Ses relations lui avaient donné, dans la société anglaise, une influence qu’elle avait mise au service du prisonnier de Sainte-Hélène pour lequel elle s’était généreusement appliquée à adoucir les rigueurs de la captivité.