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importance une femme discrète et sans ambition, il avait voulu échapper aux pétitions, aux recommandations, aux intrigues dont une autre l’aurait accablé. La reine Hortense n’y trouva rien à redire, si ce n’est l’éloignement de Mme de Montebello pour la Cour. « La duchesse, disait-elle, aurait dû s’occuper davantage de diriger l’Impératrice, qui en raffolait, et auprès de qui personne ne pouvait la remplacer. » L’Empereur lui-même plaisantait sa femme sur cette passion : « Va, ta duchesse, elle s’embarrasse bien de toi, disait-il. Elle n’a d’affection que pour ses enfans. »

Il se résignait à n’avoir dans Marie-Louise qu’un amour d’obéissance, qui s’adressait en lui moins à l’homme qu’au souverain. Aux Cent-Jours, sans nouvelle d’elle depuis de longs mois, il fit partir M. de Montrond et le général de Flahaut pour Vienne, avec mission de la ramener. Pendant ce temps, Ballouhey, secrétaire de Marie-Louise, arrivait à Paris. Napoléon fit donner à cet homme l’ordre de rendre compte de toutes les commissions dont on l’avait chargé. Dans le nombre, se trouvait une lettre qui ne devait être remise qu’à la duchesse de Montebello et en mains propres. La Reine apprit cela par M. Devaux, son homme d’affaires, à qui l’envoyé de Marie-Louise s’était confiée ; elle conseilla ce que la délicatesse prescrivait, mais n’empêcha pas que la lettre confidentielle ne vint à la connaissance de l’Empereur. Marie-Louise écrivait à son amie : « Je m’étonne qu’on ait pu annoncer mon retour à Paris. Vous qui connaissez mes vrais sentimens, vous n’aurez pas cru à cette nouvelle. »

Lady Glengall assure que l’Empereur est regretté en Angleterre autant qu’ailleurs. Ses souffrances de Sainte-Hélène l’y ont rendu populaire. Quand Hudson Lowe a reparu à Londres, il a été hué par la populace, et l’on ne sait dans quel trou il a été se cacher. Il n’a pu se faire admettre au club de l’Union. La société anglaise l’a désapprouvé de ne pas répondre au défi que le jeune Emmanuel de Las Cases lui apportait de Paris, en demandant raison des vexations supportées par son père et par lui-même. Néanmoins, le gouvernement de George IV l’avait accueilli avec faveur. Il est chevalier de l’ordre du Bain, et jouit de la propriété d’un régiment d’infanterie, qui lui vaut un revenu de 20 000 livres sterling.

Cette longue conversation s’est achevée par l’avis que la