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rappelle-t-elle la manière dont ils ont été tenus. Au surplus, la politique de M. Giolitti est-elle celle du gouvernement italien ? Il n’en sait rien lui-même et nous le savons moins encore. Mais c’est celle d’un homme éminent, qui a beaucoup d’amis, a joué un grand rôle et n’a pas dit son dernier mot.

Dans les Balkans, la situation est encore flottante, mais on est porté à croire que M. Ghenadieff, à Rome, a causé avec M. de Bülow plus que ne l’a fait M. Giolitti : il n’était pas tenu par les mêmes devoirs de discrétion. M. Ghenadieff a une mission du gouvernement bulgare : nul autre que lui ne sait exactement en quoi elle consiste. Personnellement, il appartient dans son pays au parti stamboulowiste, dont le programme politique a consisté autrefois à s’affranchir de la Russie et depuis à s’appuyer sur la Triple Alliance, c’est-à-dire sur l’Allemagne et sur l’Autriche. L’attitude de la Bulgarie dans la crise actuelle est une énigme que, jusqu’à hier, Œdipe n’aurait pas déchiffrée. Serait-elle du côté de la Russie et de ses alliés, ou de l’Autriche-Hongrie et des siens ? Qui aurait pu le dire ? Ses ambitions sont grandes : on saura plus tard sous quelle sauvegarde elle les a mises définitivement. Pour le moment, bien qu’on n’ait aucune certitude à ce sujet, il y a une grande présomption que son choix a penché du côté de l’Autriche et de l’Allemagne et voici d’où elle vient. Peu de temps avant la guerre, la Bulgarie avait fait en Allemagne un emprunt de 500 millions qu’elle n’a pas encore touché. Elle a réclamé récemment un acompte de 150 millions aux banques allemandes et autrichiennes. Sa demande a été publique, tout le monde l’a connue et on a attendu avec curiosité ce qui allait en arriver. Si l’Allemagne versait l’argent, c’est qu’elle était d’accord avec la Bulgarie, car personne ne supposera qu’elle l’eût versé sans avoir pris ses garanties. Si elle le refusait, ou en ajournait le versement, c’est qu’il n’y avait pas d’accord. L’Allemagne a promis de verser : la conclusion se dégage toute seule. Les conditions du contrat montrent d’ailleurs le degré de confiance que, même dans son entente avec la Bulgarie, l’Allemagne éprouve pour elle. Elle lui fait payer cher son argent, à 7 et demi pour 100. De plus 75 millions seuls seront versés sur-le-champ : le reste le sera à raison de 10 millions par quinzaine, à dater du 14 avril. Grâce à cette précaution, l’Allemagne et l’Autriche tiennent la Bulgarie jusqu’au mois d’août prochain, c’est-à-dire pendant la période où, suivant toutes les vraisemblances, les événemens décisifs se passeront. De la part de l’Allemagne, assurément c’est bien joué. De la part de la Bulgarie, c’est