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Depuis, elle est restée dans une attitude d’attente, mais cette attente n’a été ni muette, ni inerte. On se rappelle les déclarations retentissantes de M. Salandra, qui a parlé de la neutralité comme d’une étape provisoire, et les révélations de M. Giolitti, qui ont dû être cruellement sensibles à l’Autriche-Hongrie et à l’Allemagne. Il semblait bien alors que cela annonçait quelque chose, mais jusqu’ici rien n’est venu et la période expectante se prolonge encore du côté italien. Les quelques incidens qui se sont produits nous ont fait entrevoir des mystères plutôt qu’ils ne nous ont apporté des lumières. C’est d’abord, et même avant tout, l’incident Giolitti. Il s’est terminé par une lettre de l’ancien ministre à un de ses amis, M. Peano. Faut-il dire terminé ? L’avenir le montrera, mais, en attendant, la lettre de M. Giolitti, n’a pas dissipé tous les nuages. Les journaux avaient raconté, bien légèrement sans nul doute, que M. Giolitti et le prince de Bülow avaient échangé de graves propos : certaines avances, certaines promesses avaient été faites par celui-ci à celui-là et la politique ultérieure de l’Italie devait s’en ressentir. C’est ce que M. Giolitti a démenti en termes si formels qu’aucun doute ne peut subsister à ce sujet. Il est probable que, comme il arrive assez souvent, les amis politiques de M. Giolitti se sont remués et agités pour lui, au risque de le compromettre, tant ils ont hâte de le voir revenir au pouvoir, où M. Salandra dure trop longtemps à leur gré. M. Giolitti, qui ne partage pas ces impatiences, a déclaré qu’il soutenait le ministère, et ce n’est assurément pas le moment de le changer. Mais les partis sont plus pressés que leurs chefs.

M. Giolitti a tenu à s’expliquer lui-même, il l’a fait dans sa lettre à M. Peano. Il n’a vu qu’une fois le prince de Bülow. où ? Dans la rue où ils se sont rencontrés par pur hasard. Se connaissant de vieille date, ils ont échangé quelques propos courtois. « Le prince me dit, écrit M. Giolitti, qu’il voulait me voir ; je lui répondis qu’étant un sans-travail, c’est moi qui le préviendrais et irais lui rendre visite, ce que je fis le lendemain. On parla de façon tout académique des grands événemens, mais je me gardais bien de toucher au sujet de l’attitude que doit adopter l’Italie. J’aurais manqué à mon devoir, et lui-même se garda d’aborder ce sujet, parce que c’est un homme qui ne manque jamais aux convenances. » Admirable discrétion ! Nous ajouterons qu’elle est rare et que nous n’aurions pas cru, si M. Giolitti ne l’assurait pas, que le devoir d’un côté et les convenances de l’autre eussent des exigences tellement strictes. M de Bülow, un causeur habile et qui sait fort bien faire entendre les choses sans les dire positivement, a donc été