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du comte Zeppelin pour renforcer l’ « instruction géographique » des petits joueurs.

Après quoi, des semaines s’étaient écoulées, pendant lesquelles Mlle X..., condamnée à passer de longues heures en compagnie du beau lieutenant, nous avoue elle-même qu’elle s’était volontiers livrée à la perspective d’un flirt innocent, tel que le pratiquaient naguère ses jeunes amies de Washington ou de Londres. Mais le lieutenant von H..., lui, ne l’entendait pas de la sorte. Un soir, ayant obtenu de l’institutrice qu’elle descendît avec lui au jardin du château, il lui avait expliqué l’impossibilité pour lui d’épouser une jeune fille sans fortune. « Il me dit que, s’il se mariait plus tard, ce ne pourrait être qu’avec une personne riche, séduite par la noblesse de son nom et par la situation qu’il occuperait dans l’armée. En tout cas, cela ne pourrait avoir lieu que dans un lointain avenir ; et, d’ici là, pourquoi ne pourrions-nous pas, moi et lui, être heureux ensemble ? Personne n’aurait soupçon de rien. Il avait soigneusement réfléchi à tous les détails de l’affaire. Il me protégerait de toute façon, en échange de ma complaisance pour lui. Et je pourrais me fier absolument à sa discrétion. »

Ai-je besoin d’ajouter que Mlle X... n’avait point cru devoir accepter la proposition, ce qui, d’ailleurs, ne lui avait nullement aliéné les bonnes grâces de son galant collègue ? Et les journées continuaient de couler lorsque, un matin, deux visiteurs en uniforme étaient soudain apparus sur le seuil de la chambre où Mlle X... se trouvait en train de causer avec ses élèves.


Nul moyen de ne pas reconnaître le Kaiser dans celui de ces officiers qui s’avançait le premier, malgré tout ce qu’avaient d’ « idéalisé » ses récentes photographies. Le visage de l’original était plus âgé que je l’aurais supposé, le nez plus lourd, la taille plus courte et plus ramassée, sans compter que les portraits ne m’avaient rien dit de la large cicatrice au haut de la joue gauche. N’importe, aucun doute n’était possible sur l’identité de notre visiteur, et la surprise que je ressentis à sa vue m’enleva, un moment, toute présence d’esprit. Me redressant en sursaut, je laissai tomber mon livre, et faillis tomber moi-même par-dessus un léger fauteuil d’osier, censé de manufacture anglaise. Cette maladresse me rendit si honteuse, — avec tout le mauvais exemple qui risquait d’en résulter pour les enfans, — que j’eus peine à me retenir de pleurer. Et voilà que, pour aggraver encore la situation, l’Empereur éclata d’un rire bienveillant, mais qui n’en était pas moins embarrassant pour moi !


Bientôt, pourtant, un entretien familier s’était engagé entre l’institutrice et son impérial visiteur qui, cette fois comme toujours, avait