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imaginaire, — un couple de vagues cousins de l’empereur d’Allemagne qui auraient été, à l’en croire, les parens de ses petits élèves. Mais lorsque nous voyons, tout au long du volume, souverains et ministres, généraux et diplomates, s’empresser à combler de leurs hommages ces trois petits princes, et lorsque l’institutrice anglaise est sans cesse amenée, presque malgré soi, à nous laisser apercevoir l’importance exceptionnelle du rôle politique et social que remplissent les parens de ses susdits élèves, et lorsque enfin, par un artifice à la fois ingénieux et naïf, elle nous montre en toute occasion ces mêmes parens prenant leur part de toutes les occupations, publiques ou privées, de la famille du Kronprinz impérial d’Allemagne, grande nous est la tentation de substituer aux figures, trop manifestement « fictives, » de ses prétendus « patrons » les très authentiques figures du fils aîné et de l’aînée des belles-filles de l’empereur Guillaume.

Il n’y a pas jusqu’aux portraits des deux couples princiers qui, sous sa plume, ne nous semblent « coïncider » presque entièrement ; et nous n’aurions pas de peine à retrouver épars aux quatre coins de son livre, « chaque fois qu’y interviennent » le Kronprinz d’Allemagne et sa jeune femme, des traits d’observation comme les suivans, condensés par elle dans le récit de sa première rencontre avec les imaginaires parens de ses élèves :


A peine arrivée au château, la Princesse m’envoya chercher et m’accueillit dans son boudoir, clair et gai, malgré le goût fâcheux de sa décoration. Une Anglaise de l’âge de la Princesse aurait gardé encore l’apparence d’une jeune fille : mais, bien que la mère de mes élèves me semblât jolie, avec ses yeux pleins d’éclat et le charmant sourire de sa bouche un peu forte, c’est chose certaine que ses traits commençaient à s’empâter, pour ne rien dire des signes avant-coureurs d’un prochain double menton, contrastant avec la maigreur de la taille.

La Princesse m’entretint en un anglais précis et parfaitement correct. Elle me parut gracieuse et vive à souhait, avec même quelque chose de plus français qu’allemand dans l’animation incessante de ses manières, me lançant coup sur coup toute espèce de questions sur moi-même et sur mes premiers contacts avec les enfans. Ainsi nous étions en train de causer librement lorsque, soudain, la porte s’ouvrit au large, et qu’un jeune homme se montra sur le seuil. Ma vue faillit le faire aussitôt disparaître, mais la Princesse l’invita à s’approcher pour faire connaissance avec Miss X..., la nouvelle institutrice de ses fils.

C’était, naturellement, le Prince lui-même ; et, bien qu’il soit de plusieurs années plus âgé que sa femme, je dois dire qu’à cette période de leur vie, il semblait plus jeune qu’elle. La cause en était à la carrure de plus en plus accentuée du visage de la Princesse, tandis que le visage du Prince était long et étroit, tout de même que, pour ce qui était de sa taille, l’usage