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ESQUISSES MAROCAINES.

fut pure ou impure, s’il est apparu dans le domaine de la raison ou hors d’elle. Voyons-en la formation et puis la déformation. Commençons par le commencement. Pour cela ouvrons le Coran.


I. — L’ATTENTE

Dieu est Dieu et Mahomet est son prophète : formule unique qui convient à un peuple de conquérans. C’est une religion réduite à une devise, où se manifestait la volonté inexorable d’imposer à coups de cimeterre le monothéisme dans un monde que le Prophète trouvait infecté d’idolâtrie. Des préceptes de morale qui se confondent avec des préceptes d’hygiène et s’appliquent à la vie des tribus en marche, voilà le fonds essentiel du Coran. Le Livre organise la vie sociale, la vie familiale : c’est un code religieux et c’est un code civil. Celui qui veut bien user de la vie sera d’abord un soldat, un bon soldat du Prophète contre les adorateurs d’idoles. Il versera son sang pur sans marchander ; mais surtout il fera couler le sang corrompu. Le culte du soldat conquérant est sommaire : il s’agenouillera cinq fois par jour ; le ciel lumineux sur sa tête sera son temple, et de ce temple le point où la lumière émerge de l’ombre, l’orient, sera le sanctuaire auguste. Le soldat du Prophète ayant combattu les trois cent soixante mille idoles qui grimacent dans les temples jouira de toutes les voluptés : la femme sera l’instrument, protégé par la loi, de son bienveillant plaisir. Après sa mort, il retrouvera, dans les paradis de carnage, les mêmes joies que dans son corps et dans son âme il aura connues ou désirées : des plaisirs de conquérans repus de festins et de voluptés.

L’Ange qui apportait et révélait à Mahomet les versets du Coran, était-il donc si obsédé du rude combat à mener contre les idolâtres qu’il oubliât la foule des faibles, des vaincus, des solitaires, des contemplatifs, des passifs ? En contemplant l’Unité de Dieu le Prophète perdait-il la notion qu’une doctrine combative et purement virile ne pouvait sustenter tous les fidèles ? Dans ces hordes d’Asie passées en Afrique qui infligeaient aux populations leur sanglant baptême, il y avait les courans qui traversent les peuples mêlés. La rafale passée, on voyait les familles d’âmes se rechercher, se joindre, se lier ensemble. Les uns s’enivraient de cette religion dominatrice