Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/794

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
790
REVUE DES DEUX MONDES.

lern parce que, depuis quatre siècles, il n’avait vécu, lui, dans sa Marche de Brandebourg, puis dans son royaume de Prusse et ses duchés de Poméranie, de Silésie, de Posen et de Sleswig-Holstein, que pour toujours pousser l’offensive allemande contre les races et les organisations voisines, pour germaniser Sorabes, Wondes, Lithuaniens, Polonais et Danois, et, tout autour de lui, imposer la Kultur allemande.

C’est à son offensive de quatre siècles contre les voisins du Nord et de l’Est que le Hohenzollern dut l’admiration et le respect des peuples germaniques. C’est à sa dernière offensive de 1870 contre las Français qu’il dut son Empire allemand. En 1913, après un demi-siècle d’Empire restauré, M. de Bülow se demandait si le Hohenzollern saurait poursuivre son destin. Séduit par l’exemple funeste du Habsbourg et du Hohenstaufen, se tournerait-il tout entier vers les grandioses, mais malheureuses aventures d’outre-mer et vers les rêves de domination mondiale ?… C’était la ruine de son pouvoir en Allemagne, le divorce assuré entre l’esprit allemand et la monarchie prussienne… Par une nouvelle extension du domaine germanique, le Hohenzollern renouvellerait-il au contraire entre l’Allemagne et sa maison le pacte qu’avaient scellé les extensions de 1864, de 1866 et de 1870 ?…

Il suffirait de trouver le problème ainsi posé dans le livre de M. de Bülow pour nous permettre d’affirmer que la guerre présente ne fut pas un accident dans la politique de Berlin : disgracié par Guillaume II, éloigné du pouvoir, M. de Bülow n’en gardait pas moins, en 1913, la confiance des bureaux, d’une puissante coterie à la Cour et d’un nombreux parti dans le Parlement ; on dit même que le chef du parti militaire, le Kronprinz, le déclarait son homme…

Mais il faut aller plus avant en cette affaire : à regarder toute l’histoire de l’Allemagne sous l’angle où M. de Bülow nous la montre, on arrive à se convaincre qu’il avait raison, que cette guerre était indispensable à la durée de l’œuvre bismarckienne, à la suprématie absolue de la Prusse et du Hohenzollern sur les autres États et dynasties germaniques. Politiquement et éçonomiquement, c’est à cette guerre de rançons et de conquêtes… ou à la faillite, que devait aboutir l’empire de Guillaume Ier entre les mains de Guillaume II, comme l’empire de Frédéric Ier entre les mains de Frédéric II, comme l’empire d’Henri Ier