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Adieu l’oiseau qui chante, adieu les douces roses.
Adieu toutes les fleurs qu’avril avait écloses.
Adieu le tiède éther que le gel va ternir.
Chaque feuille qui tombe évoque un souvenir.
C’est Octobre ! Je pense à vous, ô ma chérie
Je mêle mon amour à cette griserie
De parfums, de couleurs et de suavité :
Dais magnifique offert à votre royauté !...
Il me souvient du jour où je vous ai connue.
Votre robe traînait sur la mousse menue ;
Des feuilles d’or pleuvaient sur vos cheveux dorés ;
Le décor de l’Automne en vos yeux adorés
Se reflétait ainsi qu’en un miroir limpide.
Octobre vous tendait sa guirlande splendide.
Vous étiez toute rose en l’Automne émouvant,
Et votre joie était un miracle vivant.
Votre fraîcheur charmait les brindilles flétries.
L’Automne, sur vos pas semant ses pierreries,
M’était plus cher alors que le plus fier Printemps ;
Et la précarité de ses jours éclatans.
Tout cet effeuillement navrant de la Nature,
Me semblait aussi beau qu’un lever d’aube pure.
L’espoir me dérobait le deuil du bois désert.
Mon cœur était sans crainte en pensant à l’Hiver.

Et puis, c’est en ce mois que vous êtes partie.
Votre amour a duré moins qu’une fleur blottie
Aux replis d’un ravin par l’Automne guetté...
Un sourire, un caprice, et vous m’avez quitté…
Votre grâce, au tournant du chemin solitaire,
Ne fut plus qu’un distant et décevant mystère
Qu’Octobre allait porter, avec l’âme des fleurs.
Au gouffre de l’oubli, sans pitié pour mes pleurs.
Ah ! que vous étiez belle et grande, mon amie !
Vous étiez la ferveur, l’ardeur et l’eurythmie ;
L’éternelle, sublime et fraîche illusion ;
La foi réconfortant l’âme de son rayon.
La forme du baiser s’arquait sur votre bouche.
Comme Mab animant l’objet que sa main touche,