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Dans le vallon. Peureux, un vanneau caché crie.
Des flaques d’un chemin de l’azur irradie.

Les roses de l’Automne animent mon jardin
D’une grâce languide et dont l’éclat éteint
Est bercé doucement par leur tige fragile.
Le gai ruisseau, fluant dans sa gaine d’argile,
Semble fuir d’un élan moins vif et moins pressé,
Comme s’il regrettait l’Eté trop tôt passé.
Sur le dernier œillet une abeille sonore
S’est posée. Et, tout près, dans le clair sycomore.
Mélancolique, doux, solitaire, un pinson
Gazouille ses adieux à la belle saison.
Une à une voici se détacher les feuilles,
Que la main de l’Automne une à une recueille,
Et place lentement sur les ailes de l’air,
Pour les livrer au sol, otages de l’Hiver.
L’une après l’autre, ici et là, les feuilles tombent :
Feuilles blanches ainsi qu’un duvet de colombes ;
Feuilles jaunes ; feuilles de cire et de carmin ;
Feuilles blondes ; feuilles d’un vert incarnadin ;
Couleur de rouille ocreuse, ou couleur de poussière ;
Sombres comme la nuit ; brunes comme la terre ;
Feuilles rouges autant que des caillots de sang.
Qui recouvrent l’humus, tapis éblouissant...
On les vit, en avril, crevant leurs bourgeons, tendre,
A l’appel du Printemps, une verdure tendre
Comme l’aile qu’entr’ouvre un papillon qui sort,
Fier, de sa chrysalide et qui prend son essor.
Et maintenant, voici qu’ayant vécu leur vie,
La Nature soudain à la mort les convie...
Mais leur frêle existence est moins frêle pourtant
Que nos plus hauts désirs, nos plus tendres instans

Feuille qui tombe, espoir qui meurt, jour qui défaille !
Octobre a visité le ravin qui tressaille.
Sans trêve, jour et nuit, il va par les sentiers,
Çà et là, rôde au sein des bas-fonds forestiers.