Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plus loin vers le Nord, nos mines de houille et toute l’industrie connexe ont attiré l’envahisseur sur la région comprise entre Valenciennes et Lens, comme nos mines de fer lorraines, nos hauts fourneaux ou nos aciéries avaient contribué à diriger spécialement son effort de destruction sur Briey ou sur Longwy. La houille est là pourtant bien profondément cachée sous le manteau crétacé qui la dissimule ; mais sa présence profonde est trahie par les puits d’extraction, les ateliers de préparation et de transformation, les dépôts, les montagnes de déblais, les voies ferrées. Les concessions de Lens, de Liévin, de Nœux, de Meurchin sont, pour leur malheur, devenues des champs de bataille, où le terrain a été disputé pied par pied. Toutes les vieilles villes semées sur cette route des Flandres ont, d’ailleurs, une très ancienne habitude des gens de guerre. En quelques lieues, on rencontre Denain, Mons-en-Puelle, Bouvines, Lille, Courtrai et bien d’autres noms aux consonances guerrières.

Au delà de Lille, nous entrons dans une dernière zone terriblement disputée qui s’étend jusqu’à la Mer du Nord, coupée par la Lys et par l’Yser. Un seul niveau géologique occupe presque à lui seul tout l’Est de cette région, avec la ville d’Ypres qui lui a donné son nom. C’est l’Yprésien, un terrain formé d’argile et propre à retenir les eaux qu’on voit disséminées dans la plaine en d’innombrables ruisseaux, rivières et canaux. A un niveau supérieur, un rang de buttes faiblement saillantes est aligné entre Cassel et Messines, où nous retrouvons, sous la forme de sables et de grès, des élémens contemporains du calcaire grossier parisien. Quelques mètres de relief ont suffi pour attirer deux fois le choc des lances et des épées sur Cassel.

Quant à la région littorale de Dixmude à Nieuport, où fut livrée la longue et meurtrière bataille de l’Yser, c’est une acquisition récente de l’homme et une œuvre de son industrie. Ici la construction même de la terre aux dépens de la mer est actuelle et inachevée. Les terrains de polders et de waeteringues n’ont pas encore reçu assez de sédimens pour émerger sans retour. Ils restent au-dessous de la marée haute, coupés de canaux que maintiennent des digues. La géologie que l’homme vient de faire là en ordonnant aux flots de reculer, il demeure libre de la défaire, trouvant ainsi dans le flux montant un engin de guerre nouveau. Les forces de la nature qu’il a