mins de fer, les canaux, la culture intensive de la pomme de terre et de la betterave transformèrent l’Allemagne prussienne comme les chemins de pierre, les ponts, la vigne et le blé avaient transformé la Gaule romaine. Après quarante ans d’un immense travail de force et de science, le sol germanique est aujourd’hui conquis sur l’arbre et le marais ; l’homme germanique commence à se libérer de la vieille emprise forestière ; nos petits-fils connaîtront sans doute des Germains civic style. Mais jusqu’à nous, c’est la forêt marécageuse qui continua de régner sur la Germanie : pour être jadis resté en dehors du « Seuil romain, » le Germain continua durant des siècles de rester ce que César et Tacite l’avaient connu.
C’était toujours l’homme des bois et des marais, vivant dans sa clairière ou sur son îlot, de sa chasse, de sa pêche, de sa cueillette, de ses maigres cultures, de ses troupeaux de cochons forestiers. Toujours en garde ou en lutte contre les fauves et les brigands du voisinage, il n’avait pour toute organisation politique et sociale que le groupement local par famille, par clan, par peuplade, suivant l’étendue de sa clairière ou de ses terres émergées. Sur chaque groupe, un roi patriarcal, distributeur des communaux de pâture et de culture, distributeur aussi des coutumes de justice et de paix, réunissait en sa personne tous les pouvoirs, mais ne les exerçait que dans la mesure de sa force ou de son influence personnelles, dans le rayon de sa popularité ou de son poing.
Une clairière ou un îlot, gau ; un roi, könig ; la juridiction de celui-ci dépendant de l’étendue de ceux-là et s’arrêtant aux fourrés ou aux marécages du pourtour ; un ou plusieurs groupes de familles et de huttes dans le gau ; une ou plusieurs assemblées intermittentes de chefs de familles autour du roi ; les terres du gau appartenant héréditairement, non pas à tels individus, mais à telle famille, tel clan ou tel peuple, aussi longtemps que les possesseurs avaient la force de les défendre contre les reprises de la forêt ou du marais et contre les invasions de leurs hôtes ; le roi exerçant et léguant à sa race sa précaire autorité aussi longtemps que lui et les siens étaient capables de la défendre contre la révolte ou la désaffection de leur peuple ; une indiscernable confusion des droits, des devoirs, des intérêts, des biens ; un fourré de res publica et de res privata ; un tumulte de fantaisies individuelles, d’anarchie popu-