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existe un droit allemand, un devoir allemand, sous le joug desquels les hommes « d’à côté » ont le devoir de se ranger et n’ont que le droit de vivre, en mettant leur bonheur et leur vertu dans l’obéissance aux ordres du Germain, interprète de Dieu : « Sous l’administration prussienne, dit M. de Bülow, la situation des Polonais s’est considérablement améliorée… D’autre part, nos concitoyens de Pologne ont vaillamment combattu sous les drapeaux prussiens dans les guerres de 1866 et 1870. » Partant, tout est pour le mieux dans la meilleure des Allemagnes et des Polognes : de quoi se plaignent les « concitoyens » polonais ?

M. de Bülow nous donne une définition encore plus précise de cette « organisation allemande » que les intellectuels d’outre-Rhin offrent non seulement à la Pologne, mais à la Scandinavie, à la Belgique, à la Hollande, à la Suisse, à la France, à l’humanité tout entière, comme le terme de l’évolution humaine : c’est « l’offensive de l’État prussien pour sauver, conserver et, si possible, fortifier le régime allemand » dans l’Est, dans l’Europe, dans l’univers.

Tous les manifestes des XCIII Intellectuels, toutes les conférences des Ostwald et autres chimistes ou alchimistes de Germanie ne vaudront jamais cette dernière phrase de M. de Bülow pour bien faire comprendre aux générations futures ce qui se débat dans la guerre d’aujourd’hui entre l’Empire de Kultur et les nations civilisées, entre l’Allemagne régimentaire et les hommes libres « d’à côté, » entre l’État prussien, organe de l’oppression germanique, et l’Europe liguée pour la défense du droit national et international, tel que l’entendent le reste de l’humanité blanche et ses disciples de l’humanité jaune. »

La guerre présente n’est que la réponse des peuples consciens, des États nationaux à cette « offensive prussienne pour l’extension du régime allemand. » Ce n’est pas seulement le plus formidable choc d’armées, que le monde ait jamais vu. C’est une rencontre d’idées politiques et morales telle que l’histoire n’en avait pas connu depuis les invasions des Barbares, ou même depuis Marathon et les Thermopyles : M. Asquith eut grand’raison de dire que l’héroïsme des Belges prendra place désormais dans les fastes de l’humanité reconnaissante au