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L’ÉTERNELLE ALLEMAGNE.

« Dans l’histoire de l’Allemagne, dit M. de Bülow, l’union nationale est l’exception : la règle, c’est le particularisme sous les diverses formes appliquées aux circonstances ; cela est vrai du présent comme du passé. » L’unité allemande a été proclamée, il y a près d’un demi-siècle, « sous le baptême de feu de Kœniggraetz et de Sedan ; » mais l’union allemande n’est pas encore faite et ne sera pas faite de longtemps encore, si l’on entend par union nationale le groupement volontaire de la nation consciente en un État unifié : « En 1871, par la fondation de l’Empire, dit M. de Bülow, nous avons conquis une existence d’État nationale. Notre développement politique a pris par là une voie nouvelle et sûre ; mais il n’est pas encore arrivé à son terme : la tâche, assurément commencée, mais non pas achevée, doit être l’unité de notre vie intellectuelle et politique. »

M. de Bülow dit ailleurs : « La tendance propre à l’humanité de se coaliser en syndicats, corporations et communautés, cette inclination naturelle atteint en politique la forme la plus haute dans le groupement de la nation en un État. Là où cette forme suprême est réalisée en connaissance de cause, les formes inférieures perdent de plus en plus leur importance, l’ensemble de la nation se subordonne les groupemens de moindre dimension, et cette subordination se fait, non par la violence et tout d’un coup, mais au fur et à mesure que s’étend la conscience nationale… Les peuples à esprit politique vigoureux vont au-devant de cette évolution : l’Allemand s’est souvent mis en garde contre elle. »

Dans le présent comme dans le passé, l’Allemand en est toujours resté, il désire toujours en rester aux formes inférieures : c’est aux fédérations de voisinage ou de sympathies, aux communautés laïques ou religieuses, aux corporations de métiers ou de classes, aux syndicats d’études ou de conquêtes, aux associations locales ou personnelles, bref aux Vereine de goûts, d’intérêts, de sentimens, qu’aujourd’hui comme hier vont toutes ses préférences. Nous pouvons suivre les peuplades germaniques à travers dix-neuf siècles d’histoire : nous les voyons toujours former sur la terre allemande des groupemens particularistes, dont les cadres et les dimensions varient, dont les buts particuliers et les relations réciproques peuvent tendre, mais n’at-