Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
601
L’ÉTERNELLE ALLEMAGNE.

Germanorum Imperator ! Empereur des Germains ! Il semble que ce solécisme prussien ait fait bondir le vieil et irascible « antiquaire de Lietzelbourg. » Car, de sa bonne encre latine, Th. Mommsen, antiquarius Lietzelburgensis, télégraphia ses remerciemens au Prince des Germains, Principi Germanorum, voulant rappeler à cette Majesté, — qui d’ailleurs ne comprit pas la leçon, — que le monde n’a jamais connu qu’un Empire et qu’un Empereur, l’Empire romain, l’Imperator romanus. Cet Empire, à travers les siècles, a pu transporter son siège occidental de Rome à Arles, à Trêves, à Ravenne, à Aix-la-Chapelle, à Ratisbonne, à Francfort, à Paris, à Berlin. Il a pu avoir des titulaires de nation italique et syrienne, illyrienne et gauloise, gothique et grecque, germanique et tchèque, anglaise et castillane, française et prussienne : d’Auguste à Guillaume II, la suite des Césars passe par Éliogabale, Charles-Quint et Napoléon. Mais si Guillaume II a le titre impérial dans le monde d’aujourd’hui, il n’est toujours en Allemagne que le premier des Germains, le princeps des Allemands.

« À Guillaume le Second, prince des Allemands, Guilelmo secundo, principi Germanorum, a Celui qui se croit l’Imperator d’une Respublica germanique, comme Auguste était le chef de l’État romain, ou comme Napoléon fut l’empereur de la République française, à Celui qui n’est toujours que la tête du corps germanique, le premier des rois allemands, le Kriegsherr, le chef de guerre des Germains, et non leur magistrat unique et suprême : » telle devrait être, je crois, la dédicace du livre de M. de Bülow. Maints développemens et plus d’un chapitre ne font que paraphraser la dépêche du vieil antiquaire de Lietzelbourg.

En 1900, quand cette dépèche fut envoyée, M. de Bülow était chancelier déjà. Mais je doute qu’il l’eût présente à l’esprit quand, en 1913, il écrivit cette Politique allemande. En revanche, on sent partout, derrière les axiomes juridiques ou les allusions historiques de son texte, la présence invisible, mais réelle, de réminiscences, de lectures, de citations érudites. L’auteur ne nous renvoie jamais aux sources : il est prince et se garde de pédantiser. Mais il est savant tout de même et l’on peut, de-ci, de-là, retrouver les savans auteurs d’Allemagne, d’Angleterre et de France auxquels il emprunta ce dont il fit son bien. On sait à quelles disputes des théoriciens et des commentateurs est en proie le droit constitutionnel des Allemagnes, le