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élevé dans la libérale Allemagne du Sud, puis dans les Universités du Centre et de la Suisse, M. de Bülow est arrivé à l’âge d’homme quand les victoires de 1870 faisaient succéder aux Allemagnes d’autrefois l’Allemagne nouvelle. Il a débuté dans les ministères impériaux de Berlin, où son père était le collaborateur et le confident du grand chancelier. Sa carrière de diplomate l’a promené ensuite, vingt-trois années durant (1874-1897), de Rome à Pétersbourg, à Vienne, à Paris, à Bucarest, à Pétersbourg et à Rome de nouveau, pour le ramener enfin à ce ministère des Affaires étrangères où son père était mort à la tâche. Douze années comme ministre (1897-1900) ou chancelier (1900-1909) l’ont, au plein de son âge viril et de sa force intellectuelle, mis au courant de toute la politique intérieure et extérieure de l’Empire. Son mariage avec une Italienne, après avoir complété le sens et le respect de la latinité que lui avaient donnés ses longues années de séjour dans les capitales latines, l’a ramené prendre sa retraite en un palais de Rome, le jour où la rancune de Guillaume II le libéra du pouvoir. Quatre années (1909-1913), il a vécu silencieux, en cette studieuse et digne retraite, en face du Palatin, devant les ruines de ce qui fut, durant quatre siècles, le palais des divins Empereurs, des maîtres de Rome et du monde.

Sa jeunesse s’était écoulée à l’ombre de Bismarck, dont il continue de se proclamer l’humble disciple. La vieillesse lui est venue sous les ombrages d’une villa romaine. Rome et Bismarck : à fréquenter tour à tour deux grandeurs si pareilles et si différentes, il est impossible qu’un esprit alerte n’ait pas reçu quelques grandes leçons. Le Chancelier de Fer était le meilleur des exemples pour apprendre comment on fonde les Empires. Le Palatin est peut-être le meilleur des observatoires pour embrasser du même regard les Empires du présent et ceux du passé.

C’est après quatre années de méditations sur l’Aventin (1909-1913) qu’avant de rentrer en grâce et en fonctions et de redevenir ambassadeur auprès du Quirinal, M. de Bülow a écrit son livre, non par besoin seulement de se raconter et de se faire valoir, mais bien plutôt, je pense, par le même sentiment du devoir patriotique, qui, en novembre 1908, lui faisait dire de si cruelles vérités à son Maître. Comme en 1908, il a voulu, en 1913, mettre et l’Empereur et l’Empire en garde contre les dangers qu’une politique trop personnelle faisait