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mérite décroissant, l’essence, le benzol et le pétrole ordinaire. La substitution du benzol à l’essence est une ressource à laquelle les Allemands ont déjà eu recours. Le benzol commercial donne des résultats inférieurs à l’essence ; il encrasse les moteurs et ne permet pas leur plein rendement. Beaucoup de mécaniciens le rejettent. Mais il offre des avantages économiques qui l’ont fait adopter souvent dès le temps de paix et sa substitution à l’essence ne nécessite pas une transformation du matériel. Or, si le benzol peut être extrait du pétrole brut et est, en pratique, souvent fourni par lui, on l’obtient également par la distillation du goudron de houille que les Allemands possèdent en abondance. Le remplacement d’un corps par l’autre est donc tout indiqué, sauf pour les aéroplanes où il ne pourrait être réalisé que grâce à des perfectionnemens chimiques dont les Allemands ne sont peut-être pas incapables.

Ajoutons seulement pour mémoire que, ces combustibles normaux venant à manquer, on aurait encore la ressource, en modifiant le matériel, d’employer l’alcool, médiocre carburant, dont on peut aisément fabriquer de très grandes quantités. La disette de pétrole ne constituera donc pas, pour nos adversaires, la paralysie immédiate et complète que l’on a parfois imaginée. Elle n’en sera pas moins une difficulté très sérieuse, surtout si elle arrête les aviateurs, qui sont devenus l’agent d’informations indispensable pour les armées. Voyons, dès lors, comment se pose le problème du ravitaillement.

Sur son propre sol, l’Allemagne ne possède que des gisemens pétrolifères insignifians en Alsace et en Hanovre. La tentative qu’elle avait faite, par l’intermédiaire de la Turquie, pour mettre la main sur ceux du Caucase, paraît avoir définitivement échoué. L’Autriche en avait d’importans en Galicie, mais elle les a laissé prendre par les Russes. Admettons que la contrebande, très active au début, ait été définitivement arrêtée et qu’il n’arrive plus de pétrole des États-Unis ni des Indes néerlandaises. Supposons encore, comme on est en droit de le croire aujourd’hui, que la Roumanie maintienne énergiquement une interdiction d’exportation fort coûteuse pour elle. Il reste à envisager les stocks importans que les Allemands avaient constitués avant la guerre et ceux qu’ils ont pu former depuis, par la confiscation dans les pays envahis, par la main- mise sur les bateaux-citernes sortant de la Mer-Noire, par les