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progressivement un blocus très difficile, qui ne fonctionne en réalité que depuis peu.

Les pays étrangers peuvent être divisés pour notre sujet en trois groupes : les belligérans ; les producteurs et exportateurs de métaux américains ou espagnols ; les neutres européens dont le commerce est limité au transit. On s’étonnera peut-être de nous voir mentionner les belligérans. Mais, contrairement à l’idée trop simple que l’on se forme souvent, les relations n’ont pas été tranchées du premier jour entre les deux partis hostiles, et elles ne sont pas sans admettre aujourd’hui encore certaines survies. Il a fallu d’abord que chaque gouvernement défendît le commerce direct, et c’est le 27 août seulement qu’il a été légalement interdit à un Anglais de commercer avec un Allemand ; il a fallu ensuite limiter et surveiller les exportations destinées aux neutres, de telle sorte qu’elles ne parvinssent pas finalement aux ennemis. Il y a peu de temps encore, l’on voyait des négocians de Perse témoigner un désir tout particulier de s’assurer du pétrole russe, qui ne devait pas être entièrement consommé dans l’Iran, et c’est seulement le 8 novembre que la Russie a proscrit l’exportation du pétrole, le 27 décembre qu’elle a interdit la sortie du manganèse (nécessaire à la fabrication de l’acier) sinon à destination des Alliés. De même, c’est à la fin d’octobre que le Canada a prohibé l’exportation du nickel.

Aux producteurs américains ou espagnols, on ne saurait demander des mesures aussi strictes et que les belligérans eux-mêmes n’ont pas établies du premier coup. Assurément, les exportations directes des Etats-Unis vers l’Allemagne ont été vite annihilées. Mais le commerce indirect a subsisté, et la plus grande partie de ces exportations n’a fait que changer de route. Le marché américain reste libre, et la plupart des expéditions demeurent permises. Aussi les Alliés ont pu songer un moment à faire le vide en achetant eux-mêmes sur le marché la production totale de cuivre ou de pétrole ; mais l’énormité des chiffres en jeu, sans parler de spéculations faciles à concevoir, les a fait reculer. Quand une cargaison est ouvertement partie de New-York sous pavillon neutre à destination d’un port neutre, c’est aux belligérans à prendre des mesures pour qu’elle n’arrive pas, en fin de compte, à l’Allemagne ou à l’Autriche. Au début, quand il subsistait encore quelques navires allemands courant les mers, c’est par un moyen de ce genre qu’on les ravitaillait en